En Centrafrique, le régime méprise le sort des populations

Au moins dix morts et des dizaines de blessés dans un lycée de la capitale centrafricaine. Pour Adrien Poussou, ce drame aurait pu être évité si les autorités avaient pris toute la mesure de leur responsabilité. Éditorial. 

Ce mercredi 25 juin 2025, le lycée Barthélémy Boganda de Bangui, lieu de savoir et d’espoir pour des milliers de jeunes, s’est transformé en théâtre d’une tragédie pourtant évitable. L’explosion d’un transformateur électrique, en pleine session du baccalauréat, a semé la panique parmi les 5 300 candidats présents, provoquant une bousculade meurtrière. Bilan : au moins dix morts et des dizaines de blessés. Ce drame n’est pas un simple accident, mais le symptôme d’un mal plus profond, qui a pour nom incompétence crasse et irresponsabilité criminelle des dirigeants.

Un gouvernement responsable n’aurait pas pu entasser plus de 5 300 personnes dans un établissement sans prévoir des issues de secours dignes de ce nom. Bien au contraire, il aurait prévu des plans d’évacuation et des mesures de sécurité élémentaires. Il ne s’agit pas d’une négligence, mais d’une faute. Une de plus, une de trop, qui a coûté des vies, brisé des familles, traumatisé une génération et compromis l’avenir du pays.

On nous répondra qu’il s’agit d’un accident (le ministre a écrit « incident » dans son communiqué) et que les choses se passent toujours ainsi. Seulement, cette excuse ne résiste pas au bon sens.

Ironie amère

À la désinvolture s’est ajoutée l’absence du strict minimum. Nous n’avons nullement aperçu les ambulances qui devaient transporter les blessés. En dix ans, le régime n’y a pas pensé, simplement. De sorte qu’on a laissé des lycéens agonisants être évacués dans des pousse-pousse ou sur des motos-taxis, comme si leur vie ne valait rien. Certains auraient pu être sauvés si le pays disposait d’un système d’urgence digne d’une nation civilisée. C’est trop demandé à l’État-MCU, qui est aux abonnés absents.

Ce drame résonne avec une amère ironie. Il y a un an jour pour jour, le 25 juin 2024, une baleinière surchargée sombrait sur le fleuve Oubangui, emportant une centaine de vies. Là encore, le gouvernement était pointé du doigt pour son incapacité à réguler, à anticiper, à protéger. Un an plus tard, rien n’a changé. Les leçons du précédent drame n’ont pas été tirées. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a encore eu des morts, des larmes, et un silence assourdissant de la part de ceux qui devraient rendre des comptes.

Froideur glaçante

Face à l’horreur, on aurait pu attendre du ministre de l’Éducation nationale, Aurélien Simplice Zingas, une réaction à la hauteur de la tragédie. Par exemple, la mise en place d’une cellule psychologique pour les survivants, une prise en charge gratuite des blessés, une aide aux familles pour les obsèques des victimes.

Mais c’était compter sans l’arrogance et le mépris qui caractérisent ce régime. Dans un communiqué d’une froideur glaçante, celui-ci s’est contenté d’inviter les candidats des autres centres à poursuivre leurs épreuves, comme si de rien n’était. Pas un mot de compassion, pas une once d’humanité. Cette indifférence est une insulte aux familles endeuillées, une gifle à la nation tout entière. Là où l’impératif moral aurait dû le pousser à présenter sa démission, Aurélien Simplice Zingas a choisi le déni, transformant un drame national en un événement banal.

D’ailleurs, plus de 24 heures après ce drame, même celui qui prétend avoir été élu à la tête du pays, Faustin Archange Touadera, observe un mutisme déroutant. Sans doute est-il plus préoccupé par son état de santé que le sort des lycéens fauchés dans la fleur de l’âge. Lui, qui a déjà vécu une bonne partie de sa vie.

Ce président, qui ose rêver d’un troisième mandat, montre une fois de plus son mépris éhonté pour le peuple centrafricain. Il n’y a ni vision, ni responsabilité, ni dignité dans la gestion du pays. Les transformateurs explosent, les baleinières coulent, les lycéens meurent, les populations civiles sont impunément massacrées par les mercenaires russes de Wagner, lui et son gouvernement regardent ailleurs.

Combien de tragédies faudra-t-il pour que les dirigeants centrafricains comprennent que gouverner, c’est anticiper, protéger, et assumer ses responsabilités ? En tout cas le peuple centrafricain mérite mieux que ce pouvoir qui le laisse livré à lui-même, abandonné par tant d’incompétence et d’indifférence.

Le drame du lycée Barthélémy Boganda n’est pas une fatalité. C’est plutôt l’illustration des errements d’un régime qui a échoué. Lamentablement. Malheureusement, le prix de cet échec, ce sont les Centrafricains qui le paient, de leur sang et de leurs larmes.

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