En Guinée, l’autoritarisme de Mamadi Doumbouya contraint les Guinéens à fuir le pays

Les Guinéens ont renoué avec les vieilles habitudes de l’époque de la dictature de Sékou Touré : prendre le chemin de l’exil. Ils sont désormais la première nationalité africaine à demander l’asile en France, selon l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides. La faute, à la junte militaire au pouvoir et à son chef.

En Guinée, le changement de régime intervenu après le coup d’État du 5 septembre 2021 s’est mué en un cauchemar autoritaire. Mamadi Doumbouya, l’autoproclamé président de la transition, a révélé son vrai visage : celui d’un despote dont la brutalité pousse des milliers de Guinéens à fuir leur pays.

À preuve, le dernier rapport de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est sans appel : avec 11 336 demandes d’asile en France en 2024, en hausse de près de 50 % en un an, la Guinée se hisse au premier rang des pays africains pour les demandes d’asile, devançant la République démocratique du Congo et la Côte d’Ivoire. Plus sidérant encore, elle ferme le podium mondial, derrière l’Afghanistan et l’Ukraine, mais devant Haïti, asphyxiée par les gangs, et le Soudan, déchiré par la guerre civile. Comment un pays sans conflit armé peut-il engendrer un tel exode ? La réponse tient en un nom : Mamadi Doumbouya.

Répression implacable

Depuis son arrivée au pouvoir, le chef de la junte a instauré un climat de terreur. Les violences politiques se multiplient, méthodiques et implacables. Enlèvements, tortures, disparitions forcées. La liste des exactions est longue. Parmi les victimes, des figures de la société civile et des opposants politiques sont ciblés pour réduire au silence toute voix dissonante. Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ont disparu depuis juillet 2024, enlevés par des forces de sécurité, sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit menée. Abdoul Sacko, coordinateur des Forces vives de Guinée, a été arraché à son domicile en mars 2025, battu devant sa famille. Le journaliste Habib Marouane Camara et l’ancien secrétaire général du ministère des Mines, Saadou Nimaga, figurent aussi parmi les disparus.

La dernière victime en date, Me Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, a été enlevé dans la nuit du 20 au 21 juin 2025, giflé devant ses enfants, puis torturé – son dos lacéré de 500 coups de fouet, selon les témoignages. Retrouvé à 70 km de Conakry, brisé mais vivant, il incarne la barbarie d’un régime qui n’épargne ni les avocats, ni les journalistes, ni les défenseurs des droits humains.

L’exil ou la mort

Les leaders politiques, eux, ont été contraints à l’exil pour échapper à la prison ou à la mort. Cellou Dalein Diallo, chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), et d’autres figures comme Sidya Touré ou Lansana Kouyaté, ont fui un pays où la moindre critique de la junte peut conduire à la morgue.

Les manifestations sont interdites depuis mai 2022, les médias indépendants comme Djoma FM, Espace FM et Évasion TV sont réduits au silence, et l’accès à Internet est régulièrement restreint. Plus de 50 partis politiques ont été dissous en octobre 2024, dans une opération visant à éradiquer toute opposition. Comment ne pas vouloir fuir un pays où la liberté d’expression constitue un crime, où la dissidence est synonyme de danger de mort ?

Ces 11 336 demandes d’asile en France ne sont que la partie visible de l’iceberg. Des milliers de Guinéens se sont réfugiés dans les pays voisins – Sénégal, Côte d’Ivoire, Sierra Leone – où les chiffres sont moins visibles mais tout aussi alarmants.

D’autres ont tenté leur chance en Europe, fuyant un pays où l’espoir s’est éteint. Les Guinéens, qui avaient accueilli Doumbouya avec ferveur en 2021, regrettent aujourd’hui le régime d’Alpha Condé. Ce dernier, lui-même exilé pendant des années, affirmait vouloir épargner à ses compatriotes le chemin de l’exil. Sous le régime autoritaire de Doumbouya, ce chemin est devenu une nécessité pour survivre.

La communauté internationale ne peut plus détourner son regard. La France, qui ménage son ancien légionnaire pour des raisons géopolitiques, doit condamner publiquement ces violations des droits humains. L’Union européenne, la CEDEAO et les Nations unies doivent exiger la libération immédiate des disparus et la fin de la répression. La junte, qui s’était engagée à organiser des élections avant fin 2024 et à ne pas se présenter, joue la montre. Pendant ce temps, Mamadi Doumbouya, avec son projet de Constitution supprimant la limitation des mandats, prépare une présidence à vie.

Le temps est venu pour que la communauté internationale siffle la fin de la récréation et impose le retour à l’ordre constitutionnel, sans les militaires ; elle doit exiger de la junte de tenir sa promesse. Car chaque jour d’inaction est une complicité avec un régime qui pousse son peuple à l’exil, à la prison ou à la mort. La Guinée mérite mieux que la tyrannie de Mamadi Doumbouya.

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