À en croire de nombreuses sources généralement bien informées, le boycott des élections législatives par le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo serait l’ultime étape du sabotage de la gauche ivoirienne. Il résulterait d’un accord secret conclu entre Nady Bamba, l’actuelle épouse de l’ex-chef d’État et le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo. Enquête exclusive.
En posant un regard lucide sur les dynamiques politiques qui agitent la Côte d’Ivoire, on s’aperçoit rapidement que les progressistes de la gauche ivoirienne se trouvent à un carrefour existentiel mais ils semblent regarder ailleurs. À preuve, lorsqu’il y a quelques semaines, Charles Blé Goudé affirmait lors d’une apparition sur un plateau de télévision que la gauche ivoirienne était la victime d’un vaste complot, orchestré par des arrivistes qui en font leur gagne-pain tout en l’affaiblissant irrémédiablement, pas grand monde ne l’a pris au sérieux.
Manipulation interne au PPA-CI
Pis, les propos du président du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) avaient suscité des réactions mitigées : certains lui avaient ri au nez, balayant sa thèse d’un revers de main en la considérant comme les divagations d’un homme amer, tandis que d’autres n’y voyaient que l’expression de la frustration d’un « enfant rejeté » par son mentor politique, Laurent Gbagbo. Pourtant, aujourd’hui, les faits sont là, et ils sont têtus, comme l’aurait dit Lénine. Ils nous obligent à reconsidérer la déclaration de cette figure de proue de la scène politique ivoirienne non pas comme de simples conjectures d’un homme en perte de vitesse mais comme une analyse prémonitoire.
Comme chacun le sait, le boycott des élections législatives imposé au Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) par Laurent Gbagbo lui-même, prive la gauche ivoirienne d’une représentation parlementaire cruciale. Le refus de présenter des candidats à ce scrutin ne relevait nullement d’une stratégie murement réfléchie au sein des instances du parti, mais bien le résultat d’une manipulation interne. Il porte en réalité la signature de Nady Bamba, l’épouse de Gbagbo, et sa bande, qui ont persuadé l’ancien président d’imposer cette ligne au parti. L’objectif était simple : remplir la part d’un deal qu’ils ont conclu en sous-main avec Adama Bictogo, l’actuel président de l’Assemblée nationale et pilier du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Solidarité régionale
Inutile en effet de préciser que sans un candidat du PPA-CI dans son fief historique de Yopougon, Adama Bictogo est assuré d’être élu député dans cette circonscription sans le moindre effort. Bastion traditionnel de la gauche, où les électeurs sont attachés à la personnalité de Laurent Gbagbo, Yopougon qui représentent une force électorale massive, se retrouve ainsi livré sur un plateau d’argent à un adversaire, cacique du pouvoir en place. C’est l’aboutissement d’une transaction calculée à l’issue de laquelle les intérêts personnels l’ont emporté sur l’intérêt collectif.
En vérité, au nom d’une prétendue « solidarité régionale », Nady Bamba roule pour Guillaume Soro, dont elle est restée très proche, malgré les vicissitudes politiques. L’ex-Premier ministre et ancien allié d’Alassane Ouattara, aujourd’hui en exil et radié des listes électorales comme tant d’autres leaders, ne rêve que d’une chose : prendre sa revanche. Se disant lui aussi de gauche, il espère faire main basse sur les militants progressistes et pour y parvenir, il compte sur le soutien indéfectible de l’épouse de Laurent Gbagbo.
La proximité de ces deux personnalités s’inscrit dans une logique de réseaux transrégionaux, où les liens familiaux et ethniques – Bamba et Soro partageant des racines dans le nord du pays – servent de levier pour des alliances occultes. En affaiblissant le PPA-CI par ce boycott, Nady Bamba pave non seulement la voie à Adama Bictogo, mais prépare aussi le terrain pour un retour potentiel de Soro ou de ses affidés. Dans l’intervalle, la gauche ivoirienne se voit amputée de ses voix au Parlement, laissant le RHDP consolider sa majorité absolue, tout en permettant à des figures comme Soro et Bictogo de se repositionner comme des « sauveurs » d’un paysage politique appauvri. On est littéralement devant une trahison.
La survie de la gauche ivoirienne
Toutefois, face à cette machination, il est du devoir des partisans de Laurent Gbagbo ainsi que de tous les membres de la gauche ivoirienne de faire échec au plan de Nady Bamba. Le 27 décembre prochain, les électeurs progressistes devraient se rendre massivement aux urnes pour voter contre Adama Bictogo. Car la circonscription de Yopougon doit rester un rempart imprenable pour le RHDP. Cependant, en suivant les consignes de boycott du PPA-CI, ils se feront complices des combines et des arrangements nocturnes de ceux dont le dessein est d’affaiblir la gauche ivoirienne.
En tout cas, tous les électeurs progressistes ont l’obligation de donner leurs voix aux candidats indépendants ou issus d’autres formations de l’opposition afin de préserver une représentation minimale et de contrecarrer la stratégie destructrice des adversaires de la gauche. C’est un appel à la vigilance : la gauche ne survivra pas si elle se laisse diviser par ceux qui poursuivent des agendas personnels. Alors que la gauche ivoirienne, héritière des idéaux progressistes et humanistes, défend traditionnellement les classes populaires contre les excès du libéralisme du régime Ouattara. Mais en votant massivement contre Adama Bictogo, les partisans de Laurent Gbagbo et tous les militants progressistes peuvent inverser la tendance.
Or, avec le fameux boycott, la gauche ivoirienne abandonne le terrain aux affairistes du RHDP, qui ont creusé les inégalités et amplifié la corruption, y compris au sein des institutions. Pour le dire clairement, elle doit se réveiller pour faire face au complot qui est réel, et qui vient de l’intérieur. Sinon, la Côte d’Ivoire risque de s’enfoncer davantage dans l’autocratie du RHDP. Il est temps d’agir pour l’avenir d’une nation unie et juste.



