En République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi réussira-t-il à modifier la Constitution ?

Rien ni personne ne semble être en mesure d’entraver la volonté du président congolais de s’offrir une nouvelle Constitution taillée sur mesure. Or, si elle souhaite mobiliser la rue, l’opposition doit parvenir à mettre en place un front commun contre le projet de révision constitutionnelle, au-delà des déclarations sur les réseaux sociaux et des cris d’orfraie de ses principaux chefs. 

Largement réélu il y a presque un an pour un second et dernier mandat de cinq ans, le président Félix Tshisekedi veut modifier ou changer la Constitution de 2006 qui, selon lui, aurait été rédigée par des « étrangers » à « l’étranger ». Comme il fallait s’y attendre, ce souhait a provoqué l’ire des principales forces politiques de l’opposition dont les leaders sont vent debout.

Car, même s’il s’en défend, les adversaires du président congolais l’accusent de vouloir s’octroyer un troisième mandat, pourtant interdit par l’actuelle Loi fondamentale. Toutefois, ces derniers semblent être fragilisés par leur débâcle aux derniers scrutins organisés dans le pays. Il est donc logique de se demander sur la manière dont ils vont procéder pour faire échouer le plan du fils du fondateur de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir).

Insensible aux protestations de ses adversaires

D’autant que Félix Tshisekedi, loin d’être dissuadé par la crise sécuritaire à l’est du pays, est déterminé à réaliser son projet. À preuve, ce 16 novembre 2024, lors d’un déplacement à Lubumbashi, la plus grande ville de la province du Katanga, il a fait savoir à son auditoire que «rien ni personne » ne pourra l’empêcher de modifier la Constitution.

À l’évidence, le numéro un congolais n’est pas ébranlé par la levée de bouclier de ses adversaires, qui rejettent tous l’idée de changement du texte fondamental. Lui, qui dispose de l’appareil répressif de l’État, lequel n’a pas manqué de brutaliser l’opposant Delly Sesanga, le 14 novembre dernier, – alors que ce dernier sensibilisait ses militants –, et peut compter sur le soutien indéfectible de ses partisans gonflés à bloc. Même le silence face à son projet de ses alliés politiques membres de l’Union sacrée tels que l’actuel président de l’Assemblée nationale Vital Kamhere et le ministre des Transports Jean Pierre Bemba est interprété par les observateurs comme une forme de soutien tacite. C’est le fameux « qui ne dit rien consent ».

Pire : si la puissante Église catholique congolaise, à travers la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), trouve que le contexte ne sied pas à une telle initiative, elle est favorable à la modification de certains articles de la Constitution. Voilà pourquoi les prélats ne débordent pas de la même énergie contestataire que celle qu’ils nous avaient habitués vers la fin du règne de l’ancien président Joseph Kabila.

Talon d’Achille

Toutefois, le manque d’argument justifiant l’urgence de la modification constitutionnelle constitue le talon d’Achille du chef de l’État congolais. Par exemple, lorsque, à Lubumbashi, Félix Tshisekedi a réitéré ses critiques contre la Constitution en vigueur, pointant les « pièges » qu’elle comporterait, notamment l’article 217 relatif à une supposée vente de la souveraineté du pays à des États africains, de nombreuses voix lui ont rappelé que cette disposition figurait déjà dans la Loi fondamentale de 1967, dont son propre père Etienne Tshisekedi, fut l’un des rédacteurs.

Elle a été reprise textuellement dans la Constitution de 2006 dans le but de promouvoir le panafricanisme et l’unité africaine. D’ailleurs, la référence à un « abandon partiel de la souveraineté » au profit d’une entité africaine est bien présente dans la Constitution de plusieurs pays du continent. Qu’il s’agisse du Bénin (article 145 de la Constitution), de la Côte d’Ivoire (article 155) et du Tchad (article 122) pour ne citer que ces pays.

Par ailleurs, les arguments soulevés par le chef de l’État congolais pour justifier son initiative tant décriée rappellent étrangement ceux qui étaient utilisés par son voisin centrafricain Faustin Archange Touadera, à savoir un texte « calqué sur un modèle étranger » ; « une constitution qui empêche le développement du pays ». Or, et comme l’indiquent ses adversaires à juste titre, ce n’est pas la faute de l’actuel texte, si la corruption est endémique dans le pays et que l’éthique morale ou la compétence ne sont pas les points forts des hauts dirigeants.

Reste maintenant la capacité de l’opposition et des forces vives du pays à se rassembler autour d’un socle commun pour contrer le projet de Félix Tshisekedi et ses partisans. Malheureusement, jusqu’ici, les acteurs politiques congolais, plus préoccupés par des intérêts personnels, n’ont pas montré une grande faculté à dépasser les querelles intestines pour défendre les causes nationales.

L’on se souvient que quelques jours avant la présidentielle de décembre 2023, ils ont été incapables de désigner un candidat unique pour porter leurs couleurs ; les conflits de personnes et les égos surdimensionnés avaient miné la tentative de rassemblement organisée à Pretoria, en Afrique du Sud.

 

 

 

 

 

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