Ambition Africa 2024 : un avenir franco-africain sincère ?

Selon Éric Topona Mocnga, journaliste au programme Afrique francophone de la Deutsche Welle(Allemagne), contrairement à ce que pourrait laisser croire son intitulé, ce rendez-vous ne s’intéresse pas exclusivement à la valorisation du potentiel économique de la seule Afrique. Il s’agit aussi et surtout de valoriser, en partenariat avec les mondes de l’entreprise en Afrique et en France, des biens communs aux deux espaces, voire à l’humanité tout entière.

Dans le rapport d’information sur « La place de la France dans une Afrique convoitée », publié le 29 octobre 2013, les sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie ont préconisé « 10 priorités et 70 mesures pour relancer les relations de Paris avec les pays africains, fondées sur des intérêts communs dans un partenariat rénové ».

Les deux sénateurs avaient par ailleurs exprimé la nécessité et l’urgence de « tenir un autre discours sur l’Afrique et définir une stratégie ambitieuse et cohérente : il s’agit de quitter le vieux récit sur une Afrique du passé, comprendre et mettre en valeur les mutations économiques en cours, développer un narratif plus juste des liens unissant la France à des pays qui ne sont pas seulement partie prenante de notre histoire, mais aussi des éléments clés de notre avenir ».

Construire des ponts d’avenir

À l’aune du salon Ambition Africa 24, qui s’est tenu à Paris les 19 et 20 novembre, les conclusions de ce rapport sont d’une brulante actualité. D’autant qu’il ne s’agit pas seulement d’une relation d’affaires ou d’échanges économiques entre des opérateurs économiques ou des décideurs africains et français. Il s’agit aussi de construire des ponts pour l’avenir, voire de consolider des passerelles déjà existantes. En ce sens, le rendez-vous de Paris va bien au-delà des seules relations commerciales.

Certes, dans l’histoire de l’humanité, le commerce a parfois été un facteur de divisions ou de compétitions féroces ayant conduit à des guerres, mais il peut dans le même servir d’élément de rapprochement entre les peuples. L’une des déclinaisons du mot commerce, c’est le fait de nouer des relations empreintes d’empathie, de partage et de proximité agréable.

Le salon Ambition Africa 2024 a également cette particularité de s’ouvrir à une Afrique riche de sa diversité et de sa pluralité. Qu’il s’agisse des opérateurs économiques ou des décideurs africains, ils sont originaires des six régions du continent africain. En ce sens, ce rendez-vous économique s’éloigne d’une vision simpliste et uniformisante présentant l’Afrique comme un bloc humain et anthropologique monolithique, formaté dans une vision identique du monde, aux manières d’être et de penser semblables.

Ces préjugés d’un autre âge, mais qui demeurent ancrés dans les imaginaires de nombreux partenaires de l’Afrique, ou de ceux qui sont chargés de définir des politiques publiques en lien avec l’Afrique, ont malheureusement conduit à l’échec de celles-ci en raison de ces œillères.

Le mérite du salon Ambition Africa 2024, contrairement à ce que pourrait laisser croire son intitulé, ne s’intéresse pas exclusivement à la valorisation du potentiel économique de la seule Afrique. Il s’agit aussi et surtout de valoriser, en partenariat avec les mondes de l’entreprise en Afrique et en France, des biens communs aux deux espaces, voire à l’humanité tout entière.

L’Afrique en commun

Sur des problématiques relatives à la sécurisation de la terre et à la gestion des ressources naturelles, la récente étude conjointe du groupe Banque mondiale et de l’Agence française de développement intitulée L’Afrique en commun. Tensions, Mutations, Perspectives, sous la direction de Stéphanie Leyronas, Benjamin Coriat et Kako Nubukpo arrive à la conclusion suivante:

« […] l’enjeu est d’établir les bases d’une gestion et d’une mise en valeur négociées impliquant les participants aux communs de la terre et des ressources naturelles, les acteurs publics et l’investissement privé. Cette gestion négociée relève nécessairement de processus de négociations internes aux acteurs locaux et avec l’État. Elle implique aussi de repenser les politiques publiques d’accompagnement, de façon à sécuriser et booster les dynamiques entrepreneuriales innovantes qui en émergent. Une nouvelle approche intersectorielle des politiques publiques est ainsi à bâtir (foncier, décentralisation, appui à l’investissement, structuration des chaînes de valeur), non pas de façon standardisée, mais à imaginer de façon différente, selon chaque contexte culturel, social, institutionnel et économique, la meilleure voie pour y parvenir étant de s’appuyer sur un dialogue multi-acteurs au niveau local. »

La notion de « communs » ou de « biens en commun » est effectivement au cœur des projets économiques évoqués conjointement par les partenaires africains et français, à l’occasion du salon Ambition Africa 24. Il est fort opportun de remarquer que la France a été l’initiatrice de l’un des grands rendez-vous fondateurs sur la préservation de l’environnement à l’échelle planétaire, à savoir la COP21 et L’Appel de Parisà l’heure où « la maison commune brûle », comme le faisait constater fort opportunément et non sans gravité l’ancien chef de l’État français Jacques Chirac (mort le 26 septembre 2019).

En conclusion, les projets d’exploitation des ressources naturelles, d’aménagement urbain, d’aménagement hydraulique, d’eau et d’assainissement, de valorisation des services du salon Ambition Africa 24 s’inscrivent, pour l’Afrique comme pour la France, dans une perspective de préservation de l’environnement devenue pour l’humanité un impératif catégorique pour sa survie.

Éric Topona Mocnga
Courriel : topona.eric@gmail.com

 

  • Eric Topona Mocnga

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