Au Bénin, la liberté d’expression est le parent pauvre des huit nouveaux décrets relatifs à la transformation digitale 

En dépit de la récente adoption par le gouvernement béninois de huit nouveaux textes d’application de la loi portant Code du numérique, de nombreuses voix estiment qu’on est loin du compte. Pour ces observateurs, le Bénin n’a pas encore pris toute la mesure des nombreux appels du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies lui enjoignant de mettre son droit interne en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme.

Il y a deux ans, en 2023 plus précisément, la situation des droits de l’homme au Bénin a fait l’objet d’un examen de la part du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Le pays avait accepté les recommandations visant à réviser les dispositions controversées de son code du numérique en matière de la liberté d’expression.

On a donc appris ce 2 juillet 2025 à l’issue du conseil des ministres que le gouvernement béninois a adopté au total huit textes d’application destinés à enrichir le cadre numérique du pays. Mais le véritable enjeu était de prioriser les recommandations acceptées par le Bénin dans le cadre du quatrième cycle de l’Examen périodique universel.

Un cadre légal ambitieux

À première vue, les nouveaux textes adoptés viennent étoffer le cadre réglementaire existant. Pour les autorités béninoises, l’objectif visé serait de soutenir les initiatives privées et publiques tout en garantissant un environnement numérique sécurisé, concurrentiel et durable. Par ailleurs, les nouveaux textes adoptés traduisent une certaine volonté de permettre au Bénin de se doter d’un cadre légal ambitieux dans le secteur du numérique.

Cependant, sur le plan des libertés publiques tout n’est pas aussi reluisant. Au sein de l’opinion publique, de nombreuses voix ont critiqué certains articles de la loi N°2017-20 portant Code du numérique en République du Bénin, depuis son adoption. Les critiques qui fusent qualifient cette loi de liberticide, l’accusant de rogner fortement sur la liberté d’expression dans le pays.

Or, au Bénin, le droit à la liberté d’expression est protégé par la Constitution en son article 23, qui dispose que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de croyance, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements.

Le pays s’est également engagé à respecter les principales normes internationales en matière de droits de l’homme, telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration universelle des droits de l’homme. C’est fort de toutes ces observations que le bureau d’Internet Sans Frontières avait organisé avec le Parlement béninois deux ateliers consultatifs relatifs aux travaux de révision du Code du numérique.

Petits ajustements

Les deux rencontres ont permis de mettre en relief le principe résiduel de liberté qui fait défaut dans plusieurs articles du code du numérique. C’est le cas de l’article 550 qui traite de la diffusion de fausses nouvelles, mais également du harcèlement par le biais d’une communication électronique. Il en va de même pour l’article 553 qui traite de l’incitation à la rébellion, mais aussi de l’article 558 relatif aux injures.

De plus, ces deux ateliers ont permis d’attirer l’attention des députés béninois sur les recommandations de l’examen périodique universel à l’endroit du Bénin. Ces recommandations concernent entre autres, la modification des dispositions du code du numérique qui limite la liberté d’expression et des droits numériques. Il s’ensuit qu’une proposition de loi modificative de la loi portant Code du numérique a été inscrite à l’ordre du jour de la première session ordinaire de l’année 2025 en cours au Parlement.

Au regard des actions précédentes du gouvernement, cette démarche constituera la deuxième modification apportée au Code du numérique, après celle effectuée en décembre 2020. Toutefois, il faut souligner le fait que les modifications de 2020 ont tout simplement permis au législateur de faire quelques petits ajustements dans le Code du numérique sans toucher aux principes fondamentaux du texte.

Malgré la récente adoption de huit nouveaux textes d’application de la loi portant Code du numérique, une déception similaire à celle issue de la modification précédente de 2020 est à craindre. De fait, les nombreux appels du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en direction de la Marina, afin que le Bénin mette son droit interne en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme se poursuivent. Malheureusement, à ce jour, tous ces appels sont restés lettre morte.

Conséquence, selon l’Indice de démocratie 2024, établi chaque année par The Economist intelligence unit, le Bénin a perdu 3 places par rapport au classement de l’année précédente et se retrouve maintenant en centième position.

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