Au Mali, Choguel Maïga n’est plus Premier ministre

Quelques jours seulement après avoir réclamé la rectification de la transition, le chef du gouvernement malien a été congédié sans ménagement.

Sans surprise, le chef de la junte malienne Assimi Goïta a signé ce 20 novembre le décret mettant un terme aux fonctions du Premier ministre Choguel Maïga et à celles de tous les membres de son gouvernement.

Ce limogeage semblait inéluctable, tant les propos virulents tenus quatre jours plutôt par le désormais ex-Premier ministre ont suscité la colère des mouvements de soutien à la junte. Choguel Maïga avait en effet reproché aux militaires au pouvoir de ne pas l’impliquer dans les décisions et d’avoir reporté de façon unilatérale les élections devant marquer le retour à l’ordre constitutionnel. Il a notamment évoqué « l’impérieux besoin de clarification politique au Mali ».

Des propos qui ont immédiatement attiré les foudres des partisans des militaires, lesquels ont réclamé qu’il soit démis de ses fonctions. Les soutiens de la junte n’ont pas hésité à investir l’amphithéâtre du Centre international de conférence de Bamako (CICB) pour exhiber des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Carton rouge pour Choguel Maïga ». On a également vu fleurir dans la ville de Bamako des t-shirts floqués du message suivant : « Premier ministre, Premier ennemi ».

Un Premier ministre sans réel pouvoir 

Caution civile des militaires, l’ex-Premier ministre a toujours été cantonné au rôle de représentation. Cette marginalisation s’est accentuée après l’accident vasculaire cérébral (AVC) dont Choguel Maïga a été victime. Même après son retour de convalescence en décembre 2022, le général Abdoulaye Maïga, alors ministre d’État en charge de l’administration du territoire, ne voulait plus lui céder le fauteuil de Premier ministre qu’il occupait par interim. Les observateurs s’amusaient de la situation, en rappelant que « deux Maïga » exerçaient les fonctions de Premier ministre au Mali.

Depuis, les relations de Choguel Maïga avec les colonels, récemment promus généraux, se sont considérablement dégradés. Il y a un an, la tension a même monté d’un cran, avec l’arrestation au mois de mai de l’un de ses proches collaborateurs, qui avait osé dénoncer sa mise à l’écart. Ce dernier avait été condamné pour « atteinte au crédit de l’État ».

Baiser du diable 

Probablement, le même sort attend l’ancien Premier ministre, qui doit désormais craindre la justice des militaires. Il pourrait à son tour être visé par des poursuites judiciaires pour l’empêcher de mener des activités politiques. D’ailleurs, avant lui, de nombreuses figures de la scène politique malienne, toujours détenus, ont été victimes d’une chasse aux sorcières en raison de leur déclaration contre la junte. Et on n’avait pas entendu Choguel Maïga se prononcer sur le sort qui leur était réservé.

Après trois ans et demi au service des auteurs du coup d’État ayant renversé le président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Keita, le désormais ex-Premier ministre se doit de méditer la sagesse qui enjoint de ne pas diner avec le diable, même lorsqu’on pense avoir une longue fourchette.

D’ici-là, un autre ambitieux du pouvoir de l’opposition démocratique, disposé à jouer les faire-valoir des putschistes, acceptera le poste de Premier ministre. Encore faut-il que le chef de la junte consente à le nommer.

 

 

  • Yasmina Perriere

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