Bien mal acquis : David-Olivier Kaminski, l’avocat qui pourrait faire bouger les lignes

Agitateur judiciaire, pénaliste aguerri, stratège redoutable capable de retourner l’opinion publique, l’avocat parisien, de l’avis des connaisseurs, aurait dû déjà intervenir dans l’enquête tentaculaire lancée en 2007 par la justice française et visant les patrimoines acquis en France par des dirigeants africains soupçonnés de détournement de fonds publics.

Seine-Saint-Denis, samedi 24 août 2024. L’avion en provenance de Bakou, en Azerbaïdjan, au bord duquel a pris place le patron de l’application Telegram atterrit à l’aéroport du Bourget. En apparence, c’est une soirée d’été ordinaire dans ce hub discret réservé aux jets privés et aux personnalités fortunées. Mais les choses ne vont pas tarder à s’accélérer.

À peine Pavel Durov, qui voyage en compagnie d’un garde du corps et d’une jeune influenceuse, a-t-il posé le pied sur le tarmac qu’il est arrêté par la police française. Il est visé par une série d’accusations graves, allant de complicité dans la diffusion de contenus pédopornographiques à la facilitation de trafics de drogue en passant par le blanchiment d’argent et la non-coopération avec les enquêtes judiciaires.

Dans la ligne de mire des enquêteurs, la messagerie cryptée aux 900 millions d’utilisateurs, accusée d’être un havre pour les criminels en ligne à cause d’un manque de modération. Son fondateur, citoyen français depuis 2021, est placé en garde à vue pendant quatre jours, un délai exceptionnel soulignant la détermination des procureurs parisiens. L’affaire fait la une des médias du monde entier. Dans un rare exercice de transparence, Emmanuel Macron lui-même affirme n’avoir été informé qu’après coup, rejetant par-là les rumeurs d’une ingérence politique dans le dossier.

Stratégie payante

C’est dans ce contexte tendu que Me David-Olivier Kaminski entre en scène. Avocat pénaliste chevronné, connu pour sa pugnacité et son sens médiatique, il est désigné par le fondateur de Telegram pour assurer sa défense. Celui-ci ne perd pas de temps. Dès les premières heures, il dénonce publiquement l’« absurdité » des poursuites, arguant que tenir un dirigeant de plateforme responsable des abus commis par ses utilisateurs relève de l’incohérence juridique. « C’est comme si on accusait le PDG de La Poste pour les lettres anonymes envoyées par ses clients », lance-t-il dans une interview accordée à BFMTV, où il est un habitué.

Ses diligences sont rapides et efficaces. Il conteste la légalité de la garde à vue prolongée, invoque la liberté d’expression protégée par la Convention européenne des droits de l’homme et met en avant le statut de Pavel Durov comme entrepreneur innovant, non comme complice de criminels. À cette occasion, David-Olivier Kameski démontre sa capacité à naviguer dans les eaux troubles des affaires internationales. « Mon client n’est pas un criminel, mais un visionnaire », martèle l’avocat, transformant une affaire technique en débat sociétal sur la régulation du numérique.

Une stratégie payante, puisque le PDG de Telegram ressortira libre du tribunal après avoir été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, laissant à son avocat le soin de marteler que la messagerie cryptée « se conforme en tous points aux règles européennes concernant le numérique. Il est totalement absurde de penser que le responsable d’un réseau social puisse être impliqué dans des faits criminels qui ne le regardent pas ni directement ni indirectement. »

Affaires sensibles et succès médiatiques

L’intervention de David-Olivier Kameski dans l’affaire Durov n’est qu’un chapitre de sa carrière jalonnée de succès. Né en 1969 dans une famille marquée par l’histoire – son père, Bruno Durocher-Kaminski, était un résistant juif déporté –, il hérite d’un sens du combat contre l’injustice qui imprègne son parcours professionnel. Admis au barreau de Paris en 1995, il s’est spécialisé rapidement en droit pénal des affaires, financier et international.

Son cabinet, Kaminski Avocats, fondé en 2005, défend des dirigeants d’entreprises, des personnalités politiques et des figures controversées dans des dossiers complexes. Parmi ses victoires notables, la défense de Younès Bounouara en 2015 devant la cour d’assises. Accusé de tentative de meurtre dans une affaire liée au système Dassault – un scandale impliquant corruption et clientélisme politique –, Bounouara est acquitté des charges principales grâce à la plaidoirie incisive de Me Kaminski, qui a démonté les preuves de l’accusation et exposé les failles du dossier. « J’ai combattu non seulement le crime reproché, mais le système entier », déclarera-t-il plus tard, soulignant son engagement contre les abus de pouvoir.

Par ailleurs, l’issue judiciaire de l’affaire Magali Berdah est un autre succès retentissant à mettre à l’actif de l’avocat. L’influenceuse, cible d’une campagne massive de cyberharcèlement orchestrée par des internautes anonymes, lui avait fait appel pour la représenter. Il obtient la condamnation de 34 personnes pour harcèlement en ligne, un record en France. « Magali Berdah a été la femme la plus cyberharcelée du pays », affirme-t-il sur BFMTV, transformant le dossier en symbole de la lutte contre la haine numérique. Me Kaminski excelle aussi dans les affaires sensibles touchant à l’antisémitisme et aux discriminations.

Membre du bureau exécutif du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), il a défendu des figures comme l’imam Hassen Chalghoumi, cible de menaces pour son engagement en faveur du dialogue interreligieux. En 2023, il a représenté la LICRA dans des poursuites contre des discours haineux, obtenant des condamnations qui renforcent la jurisprudence sur l’incitation à la haine raciale. Sans oublier sa défense de Caroline Fourest, journaliste et essayiste, dans des litiges liés à la liberté d’expression. Ces victoires ne sont pas seulement judiciaires, elles sont également médiatiques, David-Olivier Kaminski sait utiliser les projecteurs pour amplifier ses arguments.

Une procédure « biaisée et interminable »

Ainsi, les observateurs sont-ils persuadés que l’avocat parisien pourrait véritablement faire bouger les lignes dans l’affaire dite des « biens mal acquis », cette enquête tentaculaire lancée en 2007 par la justice française après les plaintes des associations Transparency International et Sherpa, visant les patrimoines acquis en France par des dirigeants africains soupçonnés de détournement de fonds publics. Au cœur du dossier, les présidents Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville et Omar Bongo Ondimba du Gabon ainsi que leurs entourages. Les soupçons portent sur des détournements de revenus pétroliers, principale richesse de ces pays.

Le volet congolais du dossier a connu des rebondissements spectaculaires. Par exemple, en 2017, Julienne SassouNguesso, la fille du président, et son époux Guy Johnson sont mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale et recel de détournement de fonds publics. Suivent Edgar Nguesso, neveu du président, et Claudia Sassou Nguesso, son autre fille et conseillère en communication. En mars 2025, une perquisition chez Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse du président, au boulevard Saint-Denis à Courbevoie, marque un nouveau coup d’accélérateur. Les policiers saisissent des documents et des biens suspects.

Le point culminant sera la lettre adressée par le chef d’État congolais en personne au président du tribunal judiciaire de Paris. Dans ce courrier, révélé par des sources judiciaires, le président congolais dénonce un « acharnement » et une « ingérence » de la justice française. Il évoque un mandat d’amener émis contre son épouse, et menace implicitement de rétorsions les quelque 10 000 Français résidant au Congo. « Cette procédure est une violation flagrante de la souveraineté congolaise », écrit-il, accusant les juges d’être influencés par des ONG occidentales aux agendas politiques.

Pénaliste aguerri, stratège redoutable

Ce qui fait dire à certains connaisseurs des arcanes judiciaires que Denis Sassou Nguesso, qui a toujours nié les accusations, arguant que ces biens visés proviennent de revenus légitimes comme des investissements familiaux, serait mieux inspiré d’engager Me Kaminski pour renforcer son équipe de défense. Car une fois au front, l’avocat réputé de ne pas mâcher ses mots pourrait fustiger le traitement de ce dossier par la justice française.

On pourra l’entendre dénoncer une procédure « biaisée et interminable », qui dure depuis près de deux décennies sans aboutir à un procès équitable. Il sera capable de déclarer sur CNews, où il est régulièrement invité, que « c’est une justice à géométrie variable devant laquelle les dirigeants africains sont présumés coupables avant même d’être jugés ». Il devra également pointer les incohérences du dossier en s’interrogeant sur le ciblage du président congolais, alors que des scandales similaires impliquant des alliés occidentaux de la France passent inaperçus.

Au-delà de ces critiques contre la lenteur des enquêtes, le caractère illégal des perquisitions spectaculaires qui violent la présomption d’innocence, et l’influence présumée de lobbies anticorruption, l’avocat prendra un malin plaisir à évoquer un « néocolonialisme judiciaire », tout en dénonçant sûrement la partialité de l’association Transparency International, financée par des fondations américaines.

Il est indéniable que Me Kaminski est un bon client des médias, et cela n’est pas anodin. Régulièrement invité sur BFMTV où il débat de la liberté d’expression et des dérives numériques, il maîtrise l’art de la communication. Ses apparitions, souvent virales, transforment des dossiers techniques en enjeux publics. Dans l’affaire des biens mal acquis, son dynamisme pourrait placer le dossier au centre du débat. Son énergie, forgée par un militantisme personnel contre l’antisémitisme – il a créé le Prix Mémoire Bruno Durocher-Kaminski en hommage à son père –, est un atout majeur. Avec lui, le chef de l’État congolais gagnera non seulement un pénaliste aguerri, mais un stratège capable de retourner l’opinion.

En somme, David-Olivier Kaminski n’est pas qu’un avocat ; c’est aussi un agitateur judiciaire qui pourrait, dans le dossier des biens mal acquis, redéfinir les contours de la lutte anticorruption. Reste à voir si son dynamisme et ses faits d’armes suffiront à convaincre les protagonistes de l’affaire auraient à le contacter pour renforcer leur équipe d’avocats.

  • Related Posts

    En Centrafrique, Wagner accélère la déforestation par la production du charbon de bois

    Selon une récente enquête du média centrafricain Corbeau News, les mercenaires russes de Wagner se rendraient responsables de la destruction massive des forêts centrafricaines pour produire du charbon de bois,…

    Lire Plus
    Au Mali, Moussa Mara sera-t-il broyé par le rouleau compresseur de la junte ?

    L’ancien Premier ministre malien a été placé en détention préventive le 1er août dernier par le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité. La justice lui reproche un…

    Lire Plus