Le ciel semble s’être assombri sur la tête du ministre centrafricain de l’énergie. Alors qu’il est sommé par le Fonds monétaire international (FMI) de revoir la structure de prix des hydrocarbures, Arthur Bertrand Piri est fragilisé par la publication d’un rapport du Groupe de travail de la société civile (GTSC), pointant une « mafia » dans le secteur pétrolier.
À peine rentré de Douala, la ville économique du Cameroun, où il s’est rendu fin septembre pour essayer de convaincre Antoine Nzengue, le propriétaire de la société Neptune Oil, qui détient le monopole d’importation des produits pétroliers dans le pays, le neveu du président centrafricain Faustin Archange Touadera a découvert le rapport publié par le GTSC, révélant les pratiques peu orthodoxes en cours au sein de son secteur.
Un secteur sinistré par des pratiques mafieuses
Le rapport de 24 pages, dont la publication avait été annoncée depuis le 31 août dernier, « restitue les résultats » d’une vingtaine de semaines « d’enquête portant sur les pratiques singulières qui marquent désormais le secteur pétrolier » centrafricain. L’enquête du GSTC a permis de dévoiler que « les mesures institutionnelles » prises par le ministère de l’énergie, notamment l’attribution à la seule société Neptune Oil du monopole d’importation des produits pétroliers en plus d’une exonération sur le paiement des taxes, « contribuent à désorganiser le secteur » et va à « l’encontre du cadre légal en vigueur en République centrafricaine ». Autrement dit, le ministère de l’Énergie et son partenaire en affaires Neptune Oil bafouent les lois et conventions internationales auxquelles le pays a souscrit.
Les auteurs du rapport du GTSC ont également mis en lumière les « pratiques mafieuses qui semblent aujourd’hui caractériser le secteur. Parmi celles-ci figurent en bonne place des actions » favorisant le « développement de la contrebande des produits pétroliers aux origines douteuses » et surtout leur introduction dans le « marché local », facilitée par la « politique de main levée ».
Résultat, ils ont préconisé, entre autres mesures, la résiliation de la « convention exclusive d’importation » entre le gouvernement centrafricain et Neptune Oil, laquelle viole les dispositions législatives du pays.
Pressions du Fonds monétaire international
Inutile de dire que le ministre et ses équipes ont rejeté le contenu de ce rapport. Plutôt que de répondre aux nombreux manquements soulevés, Arthur Bertrand Piri et ses collaborateurs se sont bornés à s’interroger sur l’opportunité d’une telle publication. Pour eux, le fait que le rapport soit « mis en circulation dans une période où la mission du FMI se trouve à Bangui, n’est pas une coïncidence ».
Une accusation dont se défend Paul Crescent Beninga, l’auteur de l’enquête : « dans la cartographie des marketeurs des produits hydrocarbures en République centrafricaine que nous avons publié le 31 août dernier, ce rapport avait déjà été annoncé. Ce n’est que mercredi que nous avons appris que le FMI était à Bangui. Nous avons d’autres éléments pour éclabousser le ministre s’il ne se calme pas ».
Alors qu’il n’a pas réussi à convaincre le patron de Neptune Oil de baisser le tarif de vente de son carburant en Centrafrique, et que celui-ci menace de quitter le marché centrafricain si les autorités persistent à vouloir suivre les recommandations du FMI, qui juge trop élevé le prix du carburant dans le pays, Arthur Bertrand Piri doit aussi faire face aux mauvaises humeurs de ses collègues ministres des Finances et du commerce. Ces derniers n’ont pas manqué de justifier la morosité de l’économie centrafricaine par les exonérations accordées à Neptune Oil, qui ne dispose toujours pas de siège dans le pays.
La question est de savoir si les jours du ministre de l’Énergie au gouvernement sont comptés. Car certaines sources croient savoir que le FMI conditionne sa facilité de crédit à son départ.
La Rédaction.