En Centrafrique, Touadéra est déterminé à liquider le MLPC

Le bureau politique légal du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), dirigé par Martin Ziguélé, ne cesse de dénoncer les tentatives de mainmise du pouvoir sur le parti. Mais la manœuvre, au-delà de chercher à investir Faustin Archange Touadéra comme candidat du MLPC à la prochaine élection présidentielle, s’inscrit surtout dans une stratégie plus vaste de destruction de l’opposition démocratique, dans un pays où le respect des principes républicains n’est plus qu’un lointain souvenir.

Décidément, le régime de Bangui a fait du démantèlement de l’opposition centrafricaine son principal objectif. Au cœur de la cible, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), ex-parti au pouvoir, visé par une entreprise de déstabilisation orchestrée, selon ses dirigeants, par le chef de l’État centrafricain lui-même.

Mais c’est compter sans l’énergie combative de Martin Ziguélé, président du parti et figure de proue de l’opposition. Celui-ci a réuni ce samedi 2 août 2025, au siège provisoire du parti, les conseillers politiques nationaux de Bangui et de Bimbo, les présidents des fédérations et sous-fédérations, ainsi que des centaines de militants pour les alerter sur les agissements du régime de Touadéra, accusé d’avoir mis des moyens financiers considérables à la disposition d’une faction dissidente, le soi-disant « MLPC Courant Originel » (MLPCO), transformé en « MLPCO bureau politique provisoire ».

La mission de ce groupuscule, composé de personnages sulfureux tels que Gabriel Jean-Édouard Koyambonou et Étienne Malekoudou, tous deux exclus ou sanctionnés par les instances du MLPC, est d’organiser un pseudo-congrès illégal dans le but d’investir le président sortant comme candidat du parti à la prochaine présidentielle.

La manœuvre est d’autant plus aberrante que Faustin Archange Touadéra, fondateur du Mouvement Cœurs Unis (MCU), n’a jamais été membre du MLPC et n’a aucun lien avec son histoire ou ses valeurs. Si l’opération aboutissait, elle priverait le MLPC, l’un des piliers de l’opposition centrafricaine, de sa capacité à participer au jeu démocratique, un coup fatal porté à une formation qui a joué un rôle central dans l’histoire politique de la République centrafricaine.

Le jeu trouble de l’administration publique  

L’hostilité du pouvoir a poussé Martin Ziguélé à ne pas mâcher ses mots. « Ces dissidents n’ont aucune qualité pour organiser un congrès. Le cinquième congrès du MLPC, qui a légitimement élu les actuels dirigeants, s’est tenu en présence du ministre de l’Administration du territoire, Bruno Yapandé, qui ne peut ignorer la légalité de nos instances. Pourtant, face à cette forfaiture, il reste silencieux, ce qui fait de lui un complice du complot ourdi par Touadéra contre notre parti », a fait savoir le président du MLPC, qui a également détaillé la stratégie du régime : « L’objectif est d’organiser un congrès à la sauvette, d’investir Touadéra comme candidat du MLPC, puis d’interdire aux instances légalement constituées du parti, élues lors du cinquième congrès, d’organiser le véritable congrès ou de présenter des candidats aux prochaines élections. C’est inacceptable. »

Face à ces manœuvres du régime, les dirigeants du MLPC ne comptent pas baisser les bras. D’ailleurs, Martin Ziguélé, fort de sa légitimité et de l’histoire du parti, appelle à la mobilisation de tous les Centrafricains épris de démocratie. « Nous ne laisserons pas Touadéra détruire le MLPC ni la République », a-t-il encore déclaré.

Il faut dire que l’attitude du ministre de l’Administration du territoire est au centre des critiques. Chargé de veiller au respect des lois régissant les partis politiques et les associations, Bruno Yapandé brille par son inaction face aux agissements des dissidents du MLPC. Cette passivité, à en croire Martin Ziguélé, est révélatrice d’une volonté délibérée de laisser le champ libre à une opération de sabotage. « Comme le ministre ne bronche pas, le bureau politique légitime du MLPC va prendre ses responsabilités, car l’objectif du pouvoir est de détruire le parti », a-t-il martelé.

Cette mise en garde est loin d’être anodine, puisqu’elle annonce une possible escalade – le parti envisageant de recourir à d’autres moyens – légaux ou non – pour empêcher la tenue du congrès illégal que compte organisé ses dissidents.

Menace globale 

En s’attaquant à l’ex-parti au pouvoir, les tenants du régime de Bangui ne s’en prennent pas seulement à un parti politique, mais à un symbole de la lutte pour la démocratie, conquise au prix du sang et de nombreux sacrifices. Faut-il le rappeler, le MLPC est l’un des piliers du combat démocratique et républicain en Centrafrique. Fondé en 1979 dans la clandestinité sous le régime autoritaire de Jean-Bedel Bokassa, le parti a été à l’avant-garde de la lutte pour l’instauration de la démocratie, portant les aspirations d’un peuple en quête de liberté et de justice sociale.

L’ironie est cruelle: Faustin Archange Touadéra, qui doit son accession à la magistrature suprême aux acquis de la lutte pour la démocratie qu’il cherche aujourd’hui à étouffer, n’a jamais été de ces combats. Pendant que des personnalités comme Claude Conjugo Batoma, Nicolas Tiangaye, Joseph Bendounga, Timothée Malendoma, Abel Goumba et tant d’autres risquaient leur vie pour défendre les idéaux démocratiques, Touadéra, lui, « se planquait à Boyrabe », rappelle un connaisseur de la scène politique centrafricaine, lequel précise que l’actuel président « n’a jamais été associé aux luttes historiques pour la liberté dans notre pays. Malheureusement, il est déterminé à réduire à néant les formations politiques qui ont porté ces combats, à commencer par le MLPC, qui n’est pas la seule cible de son régime ».

À l’évidence, d’autres partis de l’opposition, comme le PATRIE de Me Crépin Mboli-Goumba ou encore l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA) d’Anicet-Georges Dologuélé, sont dans le collimateur de Touadéra. Il est clair qu’après avoir neutralisé le MLPC, le régime s’attaquera aux autres membres du Bloc républicain pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016 (BRDC). La volonté du pouvoir de liquider les partis politiques de l’opposition participe d’une ambition plus large, marquée par l’adoption controversée, en août 2023, d’une nouvelle Constitution portant la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans et supprimant la limitation du nombre de mandats.

En réalité, les méthodes employées par le régime sont révélatrices de son absence de scrupules. Outre le financement des dissidents du MLPC, Touadéra et les siens ont recours à des pratiques d’intimidation, notamment par l’intermédiaire des mercenaires de Wagner et des milices requins. Les Centrafricains, déjà confrontés à une crise humanitaire sans précédent, avec une pénurie d’eau, d’électricité, un système éducatif en ruines et un secteur de la santé défaillant, assistent, impuissants, à cette dérive.

On ne peut qu’être peiné de constater que dans un pays où les dirigeants clament à longueur de discours leur attachement à l’État de droit, ils sont les premiers à fouler aux pieds les principes qu’ils prétendent défendre. Le pays, déjà fragilisé par des décennies de crises politiques et sécuritaires, fait face à une entreprise de destruction systématique de ses institutions démocratiques. Le comportement de Bruno Yapandé, pourtant garant de la légalité des activités des partis politiques, illustre l’hypocrisie d’un régime qui se drape dans les oripeaux de la légitimité tout en manipulant les règles à son avantage.

En agissant ainsi, l’actuel président centrafricain révèle son mépris profond pour les principes républicains. Loin de l’image d’un chef d’État soucieux de l’unité nationale, il se comporte comme un caïd, indifférent aux valeurs qui fondent une démocratie pluraliste. L’histoire retiendra qu’au-delà de ses alliances controversées avec des acteurs internationaux, notamment les mercenaires russes du groupe Wagner, Faustin Archange Touadéra aura contribué à éroder l’âme même de la République centrafricaine.

  • Related Posts

    En Centrafrique, Wagner accélère la déforestation par la production du charbon de bois

    Selon une récente enquête du média centrafricain Corbeau News, les mercenaires russes de Wagner se rendraient responsables de la destruction massive des forêts centrafricaines pour produire du charbon de bois,…

    Lire Plus
    Au Mali, Moussa Mara sera-t-il broyé par le rouleau compresseur de la junte ?

    L’ancien Premier ministre malien a été placé en détention préventive le 1er août dernier par le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité. La justice lui reproche un…

    Lire Plus