En Côte d’Ivoire, le groupe Mitreli visé par de nombreuses plaintes des sous-traitants.

Les sous-traitants ayant travaillé sur les projets supervisés par le conglomérat privé israélien n’en peuvent plus d’attendre le règlement de leurs factures depuis plusieurs mois. Certaines sociétés, après avoir assigné la filiale locale en justice, sollicitent l’intervention du président Alassane Ouattara afin de trouver une solution au litige qui n’a que trop duré. Enquête exclusive. 

Les autorités ivoiriennes auraient-elles dû être plus vigilantes face au groupe israélien Mitrelli ? Face aux agissements pour le moins curieux de sa filiale Promed International, basée en Côte d’Ivoire, la question mérite d’être posée.

L’on se souvient qu’en 2020 déjà, après que sa filiale spécialisée dans l’eau, Owini, avait décroché un contrat d’un montant de 98,3 milliards de F CFA (149 millions d’euros) du ministère ivoirien de l’Hydraulique pour un projet d’extension de l’alimentation et l’approvisionnement de 95 sous-préfectures en eau potable, un différend opposait le groupe avec l’un de ses partenaires.

Faut-il le rappeler, l’homme d’affaires franco-israélien Hubert Haddad, qui affirme avoir introduit le groupe Mitreli en Côte d’Ivoire, et avoir négocié une rémunération en tant que partenaire du projet avait saisi un tribunal de Tel-Aviv pour se plaindre de la volonté de ses « partenaires » de l’écarter du contrat. En dépit des protestations des fondateurs du groupe, leurs avocats étaient entrés en discussion avec les défenseurs de Hubert Haddad pour trouver une solution.

Entrave à la liberté de travail et menace de l’ordre économique national 

En tout cas, cette situation aurait dû mettre la puce à l’oreille des autorités ivoiriennes, puisque la société HSLI, une autre entité du groupe Mitreli, spécialisée dans les systèmes informatiques et de sécurité a été accusée pour son manque de transparence dans l’obtention et l’exécution de contrats de surveillance maritime et terrestre en Haïti et au Nigeria.

Contrairement à sa communication publique, vantant une philosophie mêlant investissement et philanthropie, Mitreli, avec ses filiales menace plutôt l’ordre économique national dans les pays où le groupe est implanté. Nous en voulons pour preuve le refus de sa filiale ivoirienne Promed international de payer les sous-traitants qui ont construit les établissements sanitaires de premier secours (ESPC). C’est particulièrement le cas de la société Rochel BTP, dont les factures peinent à être réglées.

Selon nos informations, Rochel BTP a assigné Promed international du groupe Mitreli devant la procureure du Pôle pénale économique d’Abidjan pour lui réclamer la somme de 446 millions de FCFA au titre de factures non honorées et quelques 500 millions de FCFA pour des dommages et intérêts.

Dans la plainte que nous avons consultée, qui vise le responsable local du groupe, Herman Zemel ainsi que le chargé des projets, Pascal Borderes ou encore le contrôleur, Ali Ouattara, il est reproché à la filiale de Mitreli de « passer des contrats en réduisant les montants des marchés ; avec de la surfacturation auprès de l’État de Côte d’Ivoire ».

En d’autres termes, «les montants de factures payés aux entreprises en sous-traitance sont inférieurs aux montants déclarés » réellement au gouvernement. « Des marchés attribués aux entreprises nationales sont détournés au profit des responsables du groupe Mitreli – Herman Zemel et autres qui les exploitent eux-mêmes alors que les entreprises nationales sont obligées de contracter des crédits pour exécuter les marchés, et se retrouvent débiteurs de leurs banques et autres fournisseurs ».

Fausses promesses et manoeuvres dilatoires 

Peu après avoir été assignée en justice, la filiale locale du groupe Mitreli, s’est approchée du gérant de la Rochel BTP pour trouver une solution amiable. Mais depuis, les responsables de Promed international multiplient les promesses et manœuvres dilatoires. Pire, trois autres sociétés, à savoir Bethel Construction, Logistique Conseil et Construction – Manutention – Services (CMS) ont rejoint la société Rochel BTP pour réclamer le paiement de leurs factures.

Fatigués d’attendre un hypothétique paiement de la part du groupe Mitreli, les gérants de ces sociétés ont écrit au président ivoirien Alassane Ouattara pour lui demander d’intervenir afin de résoudre le litige. « Nous avons été confrontés à une résiliation unilatérale et illégale de contrats par Promed International AG du Groupe Mitrelli sur le Projet de construction des établissements sanitaires de premier secours (ESPC). Cette décision, qui ne respecte ni les termes contractuels ni les normes juridiques légales en vigueur, a des conséquences gravissimes sur nos entreprises. Elle met en péril non seulement notre stabilité financière, mais également des centaines d’emplois directs et indirects », lit-on dans cette correspondance.

Contacté, Éraste Aké Beugré, gérant de la société Rochel BTP ne cache pas son désarroi et affirme qu’il a été obligé de mettre la clé sous le paillasson à cause de cette situation. « J’ai eu recours à toute mon économie pour financer le démarrage des travaux et je me suis même endetté. Aujourd’hui, j’ai accumulé des impayés auprès des fournisseurs. Je suis d’ailleurs incapable de payer mon loyer et le propriétaire menace de me mettre dehors », a-t-il déclaré, rappelant qu’il compte beaucoup sur l’intervention du président Alassane Ouattara pour régler ce problème avant de se retrouver à la rue avec sa famille.

Pour l’heure, c’est le statu quo. Aux dernières nouvelles, le groupe Mitreli envisagerait de changer le nom de sa filiale locale pour la transformer en une nouvelle entité et ainsi effacer ses créances. Les autorités ivoiriennes gagneraient à s’intéresser davantage aux pratiques de ce conglomérat privé israélien qui a gagné des contrats publics et qui semble bénéficier des complicités au plus haut niveau de l’État.

Soulignons que Mitrelli est généralement très discret sur ses activités en Afrique. Le groupe ne communique pas son chiffre d’affaires, et ne détaille pas ses projets. Tout au plus, apprend-on que ses clients sont des États dans 90% des cas, et que pour la plupart de ses projets, Mitrelli apporte le financement.

Au moment de la publication de cette enquête, nous n’avons pas réussi à joindre un responsable du groupe Mitreli. Même chose du côté du gouvernement ivoirien, où le porte-parole est injoignable.

  • Le Courrier Panafricain

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