En RDC, qui arrêtera le führer « Pol Pot » Kagame ?

Les Forces spéciales rwandaises dissimulées sous la bannière du M23 ont désormais pris le contrôle des points-stratégiques de la ville de Goma, la capitale du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), après une chevauchée meurtrière. Même si l’agresseur, installé à Kigali, a fait tomber le masque, les dirigeants du continent se complaisent dans une certaine hypocrisie. Il ne s’en trouve pas un pour condamner clairement les agissements de Paul Kagame. Pourtant, l’attachement proclamé de l’Union africaine (UA) et de la communauté internationale au « plein respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la RDC », ne suffit pas à faire cesser le massacre des civils congolais.

De toutes les démissions et de tous les reniements auxquels l’Afrique nous a habitués, aucun n’est aussi révoltant que la complaisance des autres pays à l’égard du régime de Paul Kagame, le satrape au pouvoir à Kigali.

En plus de se garder d’interroger la responsabilité du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame avant, pendant et après la tragédie qui a coûté la vie à plusieurs centaines de milliers de Tutsi et de Hutu modérés, les dirigeants du continent semblent lui avoir délivré un permis de piller les ressources et de massacrer les populations de la RDC. Allant ainsi à l’encontre de l’unique pierre juridique des relations entre les États africains, à savoir le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, adopté par l’Organisation de l’unité africaine (OUA, l’ancêtre de l’Union africaine).

Habitude mortifère

Or, que constate-t-on depuis 1997 et ce qu’on a appelé pudiquement la première guerre du Congo, qui était en réalité une véritable agression contre le Zaïre du défunt maréchal Mobutu Sese Seko ?

Chaque fois que l’autocrate qui fascine l’Occident est confronté à des problèmes d’intendance domestiques, il envoie ses sicaires massacrer les Congolais et dévaliser leurs richesses. L’offensive déclenchée par les Forces spéciales du Rwanda, sous la bannière du M23, autour de la ville de Goma, la capitale du Nord-Kivu, participe de cette habitude mortifère.

Chaque fois le prétexte est le même, avec deux variantes : d’une part, le supposé hébergement offert par la RDC aux résidus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), pointés comme « génocidaires » par Kigali mais ne présentant aucune espèce de menaces pour la sécurité du régime, et d’autres part, la marginalisation imaginaire des populations « rwandophones » du Congo.

Chaque fois, l’agression se passe au vu et au su de tout le monde.  On ne compte plus le nombre des rapports produits par les Nations unies, documentant le pillage des ressources naturelles de l’est de la RDC par le Rwanda. Le dernier rapport du Groupe d’experts de l’Onu sur la situation à l’est de la RDC, rendu public le 7 janvier dernier, avance que la présente guerre « n’aurait pas été possible sans l’aide militaire apportée par le Rwanda au M23 », tout en précisant que « 3 000 à 4 000 militaires rwandais combattent activement aux côtés des rebelles ».

Le pillage des ressources congolaises comme solution au surendettement du Rwanda

Inutile de rappeler que l’occupation d’une partie de l’est de la RDC par les troupes rwandaises bénéficie directement à l’économie du Rwanda. À preuve, selon le groupe d’experts de l’Onu, depuis la conquête de la cité minière de Rubaya, le 30 avril 2024, les Rwandais et leurs appendices du M23 contrôlent « le commerce et le transport mensuel de 120 tonnes de coltan pour un gain d’au moins 800 000 dollars par mois en imposant des taxes aux mineurs et aux négociants ».

Les gains ainsi générés par la vente du coltan pillé au Congo – le Rwanda est devenu un pays exportateur de cette matière première alors qu’il n’en possède pas un petit gramme dans son sous-sol – peuvent permettre à Paul Kagame de faire face au risque de surendettement de son pays. La dette publique rwandaise suivant une trajectoire haussière depuis quelques années, passant de 49,8 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2019 à 73,5 % du PIB à fin 2023.

Sans compter que Paul Kagame ne dissimule plus son intention d’annexer une partie de l’est de la RDC en vue d’offrir un espace vital aux quelques 14 millions de Rwandais vivant dans l’étroitesse du territoire national, l’équivalent de 1/5 des provinces du Kivu.

Victime de son hospitalité

Le seul tort du peuple congolais, c’est d’avoir fait preuve d’hospitalité et de solidarité envers des « frères » en détresse et d’avoir accueilli sur ses terres, la vague successive des réfugiés rwandais. D’abord, les Tutsis qui ont été chassés par la révolution de novembre 1959 lorsque la majorité Hutu s’est emparé du pouvoir pour proclamer la République. C’est à ces derniers que Paul Kagame attribue aujourd’hui l’épithète de « rwandophones » congolais, pour lesquels il s’est assigné la mission de protéger contre les pouvoirs publics de leur propre pays. Une véritable aberration.

D’ailleurs, il faut craindre que les Forces spéciales rwandaises ne profitent pas de leur présence actuelle sur le territoire congolais pour massacrer ces populations « rwandophones » et ainsi accuser les pouvoirs publics de la RDC afin de justifier l’agression. L’on se souvient que pendant le génocide de 1994, déjà, certains massacres de Tutsi étaient l’oeuvre des troupes du FPR.

Ensuite, ceux, parmi lesquels figurent les soldats des ex-Forces armées rwandaises (FAR), qui n’ont pas eu d’autres choix que de traverser la frontière zaïroise en 1994 pour se mettre à l’abris et échapper aux troupes du FPR. Ceux-là, parce que Hutu pour l’essentiel, sont qualifiés de « génocidaires » par Kagame qui, tout en refusant de dialoguer avec eux, se sert de leur présence sur le territoire congolais pour agresser la RDC.

Lui, qui proscrit l’idée même d’un pourparler de paix avec ses compatriotes Hutus, demande paradoxalement aux autorités congolaises d’ouvrir des négociations directes avec ses marionnettes du M23. Personne n’étant dupe, l’idée que Paul Kagame a derrière la tête, c’est de faciliter l’infiltration des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) par l’intégration en leur sein des soldats rwandais déguisés en combattants du M23 à l’issue du dialogue direct entre le pouvoir de Kinshasa et le soi-disant mouvement rebelle.

Sortir de l’hypocrisie

Depuis les combats de lundi autour de Goma, qui ont fait une centaine de morts et plus d’un millier de blessés selon le bilan fourni par les hôpitaux, les dirigeants africains semblent se réveiller de leur léthargie, tout en conservant intacte leur hypocrisie.

Ainsi, le président kényan, William Ruto, qui préside la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), organise ce mercredi 29 janvier un sommet extraordinaire dédié à la situation chaotique dans l’est de la RDC. Quand on connaît la proximité du dirigeant kenyan avec le tyran de Kigali, il ne faut pas s’attendre à une résolution décisive. Surtout que les autorités congolaises font, à juste titre, du dialogue avec le M23, une ligne rouge à ne pas franchir.

Même réaction platonique du côté du Conseil paix et sécurité de l’Union africaine, qui n’a pas manqué d’exhorter les combattants du M23 « à déposer les armes », tout en disant « condamner » la violence du mouvement. Certes, ces condamnations de principe servent à se donner bonne conscience, mais elles sont insuffisantes pour faire entendre raison à Paul Kagame, qui a agressé un pays frère.

Si, dans cette situation, l’Afrique ne tient pas un langage de fermeté vis-à-vis du président rwandais, si elle n’exige pas de lui le retrait immédiat et sans condition de ses troupes de l’est de la RDC, le continent sera doublement complice: du massacre des populations congolaises qui ne demandent qu’à vivre en paix sur la terre de leurs ancêtres, et des violations répétées de ses propres principes par les velléités expansionnistes du régime rwandais. Les sommets extraordinaires et les pourparlers de paix comme ceux menés par l’Angola n’y feront rien.

Une chose reste cependant certaine, l’étroitesse de son marché intérieur, le faible niveau éducatif de sa population et un secteur privé caporalisé par les pontes du régime constituent non seulement des freins au développement du Rwanda, mais poussent Paul Kagame, qui a mis peu à peu en place un système totalitaire après sa victoire totale en 1994, à recourir à la prédation. Reste à lui dire stop, cela suffit !

 

 

 

 

 

  • Adrien Poussou

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