
Le 25 novembre 2025, l’Organisation mondiale pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) désignera un nouveau directeur général à Samarcande, en Ouzbékistan. Trois candidats sont en compétition pour succéder à l’actuelle directrice générale, Audrey Azoulay, qui arrivera au terme de ses deux mandats successifs. La Mexicaine Gabriela Ramos, l’Égyptien Khaled El-Enan, et le Congolais (Brazzaville) Firmin Matoko sont en lice. Par Éric Topona Mocnga, journaliste à la rédaction francophone de la Deutsche Welle, à Bonn (Allemagne).
Il convient d’emblée de souligner que les trois candidats sont tous ressortissants de pays ou de régions qui ont une longue et riche histoire avec l’UNESCO et ont à leur actif un rayonnement diplomatique important sur la scène internationale. Par conséquent, quelle que soit l’issue de cette élection, aucun des trois candidats n’aura démérité, aussi bien au regard de leur parcours personnel que des espaces géopolitiques qui porteront leurs candidatures respectives.
Une candidature à soutenir
Toutefois, nous estimons que la candidature de Firmin Matoko mérite d’obtenir le soutien majoritaire des États membres en novembre prochain. Depuis la création de l’UNESCO, au sortir de la Seconde Guerre mondiale en 1945 et l’entrée en vigueur de son acte constitutif le 4 novembre 1946, un seul Africain a dirigé l’auguste institution, le Sénégalais Amadou Mahtar Mbow (né le 20 mars 1921 à Dakar et mort le 24 septembre 2024 dans la même ville).
Si l’argument de l’accession à l’indépendance de nombre d’États africains, 15 années plus tard, pouvait être avancé pour justifier le passage épisodique d’un Africain à la tête de cette institution, comment comprendre qu’une seule personnalité africaine seulement ait été aux manettes de l’UNESCO, entre le début des années 1960 jusqu’au premier quart de siècle de ce nouveau millénaire ?
Plusieurs arguments, et non des moindres, plaident aujourd’hui en faveur de la candidature de Firmin Matoko. L’UNESCO, faut-il le rappeler, fut créée pour promouvoir les idéaux de paix et le dialogue des cultures, afin d’éviter que ne se reproduisent les drames que l’humanité a connus durant la première moitié du xxe siècle, en raison de l’exacerbation des nationalismes et des batailles interminables pour l’hégémonie planétaire. D’où sa devise : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »
S’il est indéniable que de toutes les régions du monde retentissent actuellement d’inquiétants bruits de bottes, voire des canonnades, force est de constater que c’est en Afrique qu’il y a aujourd’hui plus de poches de conflits réels ou latents que partout ailleurs dans le monde et c’est là que, paradoxalement, des mécanismes endogènes sont mis en place pour désamorcer ou prévenir des conflits de diverses natures, qu’ils soient intercommunautaires ou interétatiques.
La longue immersion de Firmin Matoko dans ces situations de crises l’a pourvu d’atouts et d’outils que l’UNESCO pourrait déployer utilement dans d’autres régions du monde sous sa direction. Au sein de l’UNESCO, Firmin Matoko a été chargé du programme pour la promotion de la culture de la paix et du programme pour l’éducation à la paix, aux droits de l’homme et à la démocratie. Ces fonctions ont été pour le candidat l’occasion d’avoir un regard panoramique sur les mécanismes les plus variés de pacification des crises qui naissent de la confrontation violente entre les particularismes ou celles qui relèvent du repli identitaire.
Pallier le désengagement des États-Unis
S’agissant des défis relatifs au management que l’UNESCO devra relever dans les prochaines années, les nouvelles priorités de la présidence de Donald Trump, notamment sa décision prise le 4 février 2025 de retirer les États-Unis de certaines institutions du système des Nations unies, dont l’UNESCO, ne seront pas sans conséquences dommageables sur son fonctionnement au quotidien, ainsi que dans la réalisation de ses programmes à travers le monde, en particulier en Asie et en Afrique.
L’institution devra trouver des moyens de financement alternatifs et innover pour combler le vide créé par le retrait des Américains. Sous-directeur pour l’Afrique et les relations extérieures de l’UNESCO et après plus de deux décennies au sein de l’organisation à divers postes de responsabilité, Firmin Matoko peut se prévaloir de sa connaissance approfondie des rouages de la maison et de solides appuis relationnels dans le monde pour mobiliser de nouveaux soutiens en vue d’accompagner l’UNESCO dans l’accomplissement de ses nobles idéaux.
Économiste du développement et diplomate de formation, Firmin Matoko ajoute ces cordes à son arc et elles lui seront utiles pour porter la bonne parole de la maison de la rue de Fontenoy (7 place de Fontenoy, dans le 7e arrondissement de Paris). Ancien responsable de bureaux multipays en Afrique et en Amérique latine, régions du monde dans lesquelles l’UNESCO est solidement ancrée depuis des décennies, le candidat Firmin Matoko peut se prévaloir d’une connaissance fine des hommes et des situations dans ces pays.
Au-delà de tout chauvinisme ou d’une démarche purement afrocentriste, le soutien à la candidature de Firmin Matoko n’est que la juste reconnaissance d’un parcours universitaire et professionnel en parfaite adéquation avec les missions de l’UNESCO dont l’utilité n’est plus à démontrer dans la conjoncture internationale actuelle. Si les fonctions de directeur général de cette auguste institution revêtent aussi une dimension géopolitique, le titulaire de la fonction devra être un technocrate de haut vol, rompu à la connaissance des arcanes de l’UNESCO et de l’environnement international. Firmin Matoko est incontestablement cet homme.