Pendant la période coloniale, plusieurs milliers d’enfants nés d’un père colon belge et d’une mère congolaise ont été arrachés à leurs familles pour être placés dans des foyers tenus par les religieux catholiques. Cinq d’entre eux, qui ont assigné la Belgique en justice pour réclamer des réparations, ont été suivi par la cour d’appel de Bruxelles qui leur a donné raisons.
C’est un ouf de soulagement pour les cinq plaignantes Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José fruits d’un amour interdit entre un colon blanc avec une femme noire dans l’ex-colonie belge du Congo (actuelle République démocratique du Congo), qui dormiront ce soir, 2 décembre 2024, du sommeil de juste, en ayant le sentiment d’être enfin entendues.
Ces femmes, désormais septuagénaires, accusaient l’État belge de les avoir retirées de force à leurs familles maternelles pour les placer dans des institutions religieuses, où elles disent avoir été victimes de mauvais traitements.
« Crime contre l’humanité »
La pratique, selon la défense des cinq femmes, relevait de «la politique de ségrégation raciale et de rapts instaurée par l’État colonial », et a été assortie d’« un vol de l’identité» de ces enfants. «Les métis étaient écartés car ils mettaient la colonie en danger (…) Leur quête d’identité est encore à ce jour empêchée », avait affirmé à l’audience en septembre Me Hirsch.
Un argument suivi par la cour d’appel de Bruxelles, qui a martelé que les plaignantes avaient été «enlevées à leur mère respective, sans l’accord de celle-ci, avant l’âge de sept ans, par l’État belge en exécution d’un plan de recherche et d’enlèvement systématique » ciblant les enfants métis «uniquement en raison de leurs origines ». « Leur enlèvement est un acte inhumain et de persécution constitutif d’un crime contre l’humanité en vertu des principes de droit international reconnus par le Statut du Tribunal de Nuremberg, intégrés dans le droit international », est-il souligné. La cour d’appel de Bruxelles a ainsi renversé le jugement de première instance de 2021.
L’arrêt cite une résolution de l’ONU confirmant ces principes de droit adopté en décembre 1946. « La cour condamne l’État belge à indemniser le dommage moral des appelantes résultant de la perte de leur lien à leur mère et de l’atteinte à leur identité et à leur lien à leur milieu d’origine », indique encore le communiqué.
Solder tous les passifs coloniaux
Une grande première en Belgique, où jusqu’à ce jour, aucun tribunal n’avait encore mis en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi). On estime à quelques 17.000 le nombre d’enfants ainsi enlevés à leurs parents. La plupart d’entre eux n’étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux Blancs, ni aux Africains.
L’épilogue de ce dossier judiciaire intervient quelques jours seulement après la révélation faite par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, le 28 novembre dernier, révélant le contenu de la correspondance que son homologue français Emmanuel Macron, qui a reconnu que les forces coloniales françaises avaient commis un »massacre » à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944.
C’est la preuve que nous sommes dans un tournant historique, où les anciens pays colonisateurs doivent avoir le courage de solder l’ensemble des passifs coloniaux afin de jeter les bases d’une relation apaisée avec les populations des ex-colonies.