Un accord tripartite secret entre les Russes du groupe Wagner, la société Neptune Oil et le ministre centrafricain de l’Énergie Arthur Bertrand Piri est à l’origine du blocage. Révélations exclusives.
Alors que son économie est exsangue, ses caisses vides, et qu’elle peine à boucler son budget 2025, la République centrafricaine n’est pas disposée à suivre les recommandations du Fonds monétaire international (FMI),qui a conditionné le déblocage de la troisième tranche de son aide, au titre de la facilité élargie de crédit d’une valeur de 197 millions de dollars, signé en 2023, à la réforme du secteur des hydrocarbures.
En contrepartie, l’institution de Washington, qui a déjà versé au pays quelques 65 millions de dollars sur cette enveloppe initiale, exige, entre autres, la libéralisation des importations de carburant et la révision à la baisse des prix des produits pétroliers vendus à la pompe.
Et ce n’est pas l’aide budgétaire globale d’un montant de 10 millions d’euros annoncée par la France, le 11 novembre dernier – d’ailleurs violemment critiquée par les inconditionnels du président Faustin Archange Touadera – qui va permettre de renflouer les caisses.
En revanche, « il est fort à parier qu’une bonne partie des 5 millions d’euros qui seront versés par Paris sous forme d’appui budgétaire direct sans aucune conditionnalité sera détournée par les hauts dirigeants centrafricains ou atterrira dans les poches du groupe Wagner », prévient sous le couvert de l’anonymat, un fonctionnaire du ministère des Finances.
Ce dernier croit savoir par ailleurs que le ministre des Finances Hervé Ndoba n’exerce aucune autorité sur les agents des régies financières, qui reçoivent leurs instructions directement du chef de l’État lui-même.
Produits pétroliers russes
Justement, à ce propos, Hervé Ndoba, auquel on prête la volonté de démissionner de son poste, se heurte à l’intransigeance du ministre de l’Énergie Arthur Bertrand Piri, neveu du président centrafricain, qui refuse catégoriquement de revoir les termes de l’accord attribuant le monopole de l’importation des produits pétroliers à la société camerounaise Neptune Oil.
Cet accord, faut-il le souligner, prive l’État centrafricain de sa première ressource fiscale. Cette année par exemple, la fiscalité pétrolière n’a rapporté que 9% des recettes totales de l’État, selon le FMI. Alors qu’historiquement, elle représente entre 20 et 25% des recettes du pays.
Il y a une raison particulière au refus d’Arthur Bertrand Piri de se conformer aux exigences du FMI, dont les décaissements attendus sont pourtant indispensables au budget de l’État : un accord avec les Russes de Wagner.
Selon nos informations, les clauses de l’accord entre la République centrafricaine et le marketeur camerounais, conservées dans le plus grand secret par le ministre de l’Energie, imposent à Neptune Oil d’acheter les hydrocarbures destinés au marché centrafricain « exclusivement » auprès de la Russie, à un prix majoré que celui pratiqué par les autres vendeurs internationaux.
Le surplus est reversé à Wagner en guise de paiement de ses services de sécurité auprès du régime de Bangui. Cette majoration s’ajoute à la taxe introduite dans la structure des prix des produits pétroliers à la rubrique « soutien/reversement État ». Les sommes prélevées grâce à cette taxe, dont la légalité interroge, prennent une autre direction que les caisses du trésor public, faisant de la RCA le seul pays au monde ayant augmenté le prix des hydrocarbures, tout en observant une baisse des recettes fiscales.
Autrement dit, en dépit de l’exploitation effrénée des ressources de la République centrafricaine tels que le bois, l’or et le diamant, les mercenaires russes de Wagner se font également payer par la vente des hydrocarbures à un prix exorbitant.
« Je serai curieux de voir la liste des actionnaires de la société Neptune Oil. Si les Russes de Wagner ne sont pas les actionnaires majoritaires de cette société, je suis persuadé qu’elle figure parmi les nombreuses sociétés qu’ils ont créé au Cameroun pour faciliter l’exportation des ressources tirées de la mise sous coupe réglée de la RCA. L’attitude de son patron, Antoine Nzengue, qui menace de se retirer du marché centrafricain si le gouvernement s’obstine à suivre les recommandations du FMI et son arrogance ne peuvent s’expliquer autrement que par le parapluie russe dont il bénéficie. Il sait que Faustin Archange Touadera ne fera rien qui puisse irriter ses partenaires de Wagner auxquels il doit la survie de son régime », explique un fin connaisseur du dossier.
À l’heure où nous mettons sous presse , Le Courrier Panafricain n’a pas réussi à contacter Antoine Nzengue, le directeur de Neptune Oil. Toutefois, malgré nos nombreuses sollicitations, Arthur Bertrand Piri n’a pas souhaité répondre à nos questions.