Pourquoi le Burkina Faso est dans le collimateur des groupes armés du Nord-Mali

L’implication des autorités de Ouagadougou dans les opérations militaires menées par le régime de Bamako contre les groupes insurrectionnels du Nord-Mali expose le Burkina Faso à des risques de représailles. Ce qui pourrait conduire à la détérioration de la situation sécuritaire du pays.

Pour ceux à qui cela aurait échappé, fin octobre dernier, le groupe terroriste Boko Haram a mené une attaque sanglante dans la région du lac Tchad, à la frontière du Nigéria, contre une garnison de l’armée tchadienne, tuant ainsi une quarantaine de militaires, et blessant une vingtaine d’autres.

Dès le lendemain de cette opération terroriste, à savoir le 28 octobre 2024, le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno s’est rendu sur place, et a lancé la contre-offensive des forces armées tchadiennes (FAT) pour « traquer les assaillants jusque dans leurs derniers retranchements », précise un communiqué des autorités.

Attitude lunaire

Le contraste est d’autant plus saisissant avec l’attitude de la junte militaire au pouvoir à Ouagadougou que son empressement tout sénatorial devant les attaques terroristes a achevé de sidérer les observateurs. Faut-il le rappeler, les groupes armés terroristes ont pris l’habitude d’attaquer les localités du Burkina Faso dans lesquelles se trouvent les détachements des forces de Défense et de Sécurité.

Souvent, trop souvent, ils prennent le contrôle des bases militaires après chaque attaque, récupèrent les armes ainsi et les véhicules équipés d’armes lourdes, tout en massacrant les populations civiles avant de repartir tranquillement. L’une des attaques les plus sanglantes de l’histoire du pays, menée par des hommes affiliés à Al-Qaida – à l’issue de laquelle une centaine de civils réquisitionnés par la junte au pouvoir pour creuser une tranchée afin de protéger la localité ont été tués –  s’est produite à Barsalogho, dans la région du Centre-Nord, le 24 août dernier.

Mais contrairement à la réactivité des autorités tchadiennes, qu’il faut saluer, aucun bilan n’a été communiqué jusqu’ici par le gouvernement burkinabé, accusé d’avoir inutilement exposé les populations civiles à cette attaque djihadiste. Le Collectif Justice pour Barsalogho (CJB), composé de proches de victimes, a fait état de plus de 400 morts. Il faut souligner que les survivants et les témoins ont expliqué à Human Rights Watch (HRW) que les hommes d’Ibrahim Traoré avaient « roué de coups » et forcé des hommes récalcitrants à sortir de la ville pour aller creuser la tranchée de défense, sans les payer et négligeant les signalements faisant état de la présence d’« hommes armés » près du chantier.

D’ailleurs, on attend toujours un geste de compassion de la part du chef de la junte militaire en direction des survivants et des familles de victimes. Pire, quand le pouvoir de Ouagadougou s’est enfin décidé, plusieurs jours après le massacre, à dépêcher une mission à Barsalogho, c’était pour tancer les populations et les accuser d’être de connivence avec les jihadistes. Un comble.

Représailles des groupes armés du Nord-Mali

Comme si cela ne suffisait pas, Ibrahim Traoré et ses thuriféraires se sont embarqués avec armes et bagages dans l’aventure de l’Alliance des États du Sahel (AES), abandonnant ainsi le rôle de médiateur que jouait le Burkina Faso par exemple dans le conflit malien pour endosser dangereusement celui de cobelligérants, avec les conséquences qu’un tel statut implique.

Pourtant, les accords préliminaires de Ouagadougou ont été signés le 18 juin 2013 entre le gouvernement de Bamako et les groupes rebelles maliens, notamment le MNLA. Mais curieusement, les hommes et du matériel burkinabè ont servi pour le bombardement de populations civiles à Tinzaouatène, localité malienne située à la frontière avec l’Algérie, en soutien à l’action militaire du tandem formé par les Forces armées maliennes (FAMA) et les mercenaires russes du groupe Wagner. Une véritable aventure.

Là où le Niger, également membre de la fameuse AES, a adopté une attitude prudente, dictée par sa propre expérience des rébellions touaregues des années 1990, qui ont connu un dénouement heureux grâce à l’accord établissant une paix définitive entre le pouvoir de Niamey et l’Organisation de la résistance armée (ORA).

Conséquence directe de son soutien à la junte malienne, le Burkina Faso devra désormais s’attendre aux représailles des combattants du Cadre stratégique permanent (CSP-DPA). Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les groupes armés du Nord-Mali ne manqueront pas de perpétrer des attaques contre le territoire burkinabè. À en croire de nombreuses sources bien introduites dans la région, les rebelles maliens ont juré de s’en prendre au régime d’Ibrahim Traoré, au nom d’un principe immuable : « l’ami de mon ennemi est forcément mon ennemi ».

Lourd tribut

Dès lors, il est prévisible que les actions armées contre les forces de Défense et de Sécurité du Burkina Faso vont se multiplier et s’intensifier. Or, le pays est déjà exposé à la douloureuse guerre que lui imposent les jihadistes, et à laquelle ses militaires et ses populations civiles payent un lourd tribut.

Tout cela à cause de l’irresponsabilité d’un homme, Ibrahim Traoré, et ses affidés, dont le plus emblématique est son mentor Ibrahim Maïga, un l’activiste planqué confortablement aux États-Unis, tenant des propos haineux et provocateurs, qui se complaisent dans une posture inutilement guerrière.

Malheureusement, de l’avis de tous les spécialistes, l’insécurité dans le pays, liée aux insurrections armées jihadistes, la multiplication des fronts par le régime de la transition et l’inconstance du chef de la junte militaire au pouvoir risquent de conduire à plus ou moins brève échéance à une perte de contrôle totale du territoire souverain du Burkina Faso au profit des groupes hostiles coalisés.

Dans ces conditions, les soldats burkinabè auraient tort de ne pas prendre toute la mesure du grand danger qui guette leur pays. Ils n’ont rien à gagner en continuant de servir de bras armés aux décisions foireuses du chef de la junte. Demain, les officiers supérieurs ainsi que les hommes du rang de l’armée burkinabè ne pourront pas dire qu’ils ignoraient les menaces contre le pays ou qu’ils n’exécutaient que les ordres.

 

 

  • Le Courrier Panafricain

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