Présidence de la Commission de l’Union africaine : comment Tony Blair fait son beurre

L’élection du prochain président de la Commission de l’Union africaine donne lieu à une intense activité diplomatique en coulisse. Et on peut légitimement se demander que vient faire l’ancien Premier ministre britannique dans cette bataille entre Africains. 

S’il existe un homme qui symbolise certaines pratiques détestables qui hérissent les poils de nombreux Africains, c’est bien Tony Blair. Or, nous avons appris que le candidat djiboutien à la présidence de la Commission de l’Union africaine Mahamoud Ali Youssouf s’est offert les services de Tony Blair Institute for Global Chance (TBI), la fondation qui porte le patronyme de l’ancien chef du gouvernement britannique. Celui-ci devra fournir à l’actuel ministre des Affaires étrangères de Djibouti des conseils stratégiques pour sa campagne à la présidence de l’organisation panafricaine.

Complexe d’infériorité

D’ailleurs, ce dernier, dont les équipes travaillent depuis juin 2024 avec le Tony Blair Institute n’est pas le seul candidat à vouloir recruter la fondation pour la même mission. Selon nos informations, c’est également le cas de l’ancien Premier ministre kényan Raila Odinga, lui aussi candidat à la présidence de la Commission de l’UA, qui s’est rapproché du Tony Blair Institute sans toutefois parvenir à un accord.

Il n’y a qu’une seule explication au succès de cette fondation auprès des personnalités africaines aspirant à prendre la direction de la principale organisation politique panafricaine : le TBI dispose des bureaux dans 17 pays du continent et a un accès direct aux chefs de l’État. Il se trouve que ce sont ces derniers qui constituent le corps électoral qui devra élire le prochain président de la Commission, en février 2025.

Autrement dit, connaissant le fonctionnement de la plupart des présidents africains, friands de « sorciers blancs », les candidats ont simplement imaginé qu’il est plus aisé d’obtenir le suffrage d’un chef d’État africain si celui-ci est démarché par Tony Blair.

Naturellement, se pose la question de l’indépendance de l’organisation panafricaine, quand on sait que les États membres sont incapables de prendre en charge le budget de fonctionnement de l’organisation, financée en grande partie par l’Union européenne. Et que d’autres pays qui n’ont rien à voir avec le continent possèdent leur rond de serviette dans ses sommets.

L’indépendance en question

Que cela plaise ou non, un candidat qui a bénéficié de l’entregent de Tony Blair pour se hisser à la présidence de la Commission sera plus enclin à céder à ses sollicitations et ses exigences. Alors que l’ancien Premier ministre britannique figure parmi les personnalités occidentales les moins acquises à l’idée du développement de d’Afrique. C’est dire qu’il serait le dernier à œuvrer pour l’émergence du continent. Ce qui reviendrait d’ailleurs à lui ôter sa poule aux œufs d’or. Car il lui sera difficile de vendre ses fameux conseils stratégiques aux prix d’or.

Pour autant, c’est l’attitude des dirigeants africains qui traduit un complexe d’infériorité, dont il faut se débarrasser si l’Afrique veut être le maître de son propre destin. D’autant que les autres ne montrent que peu de considération pour ses élites. À preuve, les candidats aux différents postes au sein de l’Union européenne ne se bousculent jamais aux portillons pour s’offrir les services des anciens dirigeants africains. Pourquoi donc les Africains, eux, devraient-ils se sentir obligés de dépenser une fortune pour payer un petit blanc qui, à dire vrai, ignore tout des réalités du continent.

LCP

  • Le Courrier Panafricain

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