Pour Béthel Mandékor, spécialiste des questions géopolitiques en Afrique et dans le monde, la tournée africaine du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, qui s’est achevée le 9 janvier dernier, témoigne d’un intérêt stratégique de la Chine pour l’Afrique, en plus de renforcer les liens diplomatiques et commerciaux entre Pékin et plusieurs pays du continent[1].
Plusieurs journalistes ont à cet égard analysé la visite du ministre chinois en Afrique en montrant comment chaque étape suivait une logique d’exploitation de ressources locales pour servir les intérêts de Pékin[2]. Alors que la Chine continue de s’implanter plus profondément en Afrique, des critiques émergent sur les méthodes employées, souvent perçues comme des formes d’exploitation, allant parfois jusqu’à des pratiques douteuses, voire de pillage.
L’Afrique, un réservoir de ressources pour la Chine
La tournée de Wang Yi intervient à un moment où la Chine intensifie ses efforts pour sécuriser son approvisionnement en ressources naturelles essentielles à son modèle économique. Faut-il le souligner, l’industrie chinoise dépend largement des ressources naturelles africaines, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des technologies de pointe. Le cobalt, le lithium, le cuivre et d’autres minéraux, présents en grande quantité en Afrique, sont vitaux pour les industries chinoises, notamment celles liées à la fabrication de batteries et de véhicules électriques.
La stratégie de la Chine repose en grande partie sur l’exploitation de ces ressources en Afrique, dans le cadre de contrats commerciaux et de projets d’infrastructure, souvent à travers des entreprises d’État. Ce modèle permet à Pékin de contrôler une part significative des matières premières nécessaires à sa croissance industrielle. Mais cette recherche incessante de ressources n’est pas sans conséquences, tant pour l’environnement que pour les populations locales.
Par cette visite de Wang Yi, en Namibie, au Congo, au Tchad[3] et au Nigeria[4], la Chine cible ainsi stratégiquement les minerais critiques (lithium[5], uranium, pétrole[6]), les terres rares et les ressources énergétiques, proposant des investissements massifs en infrastructures (projets ferroviaires[7], centrales électriques, barrages) comme monnaie d’échange pour un accès privilégié aux matières premières.
Cet impérialisme économique où les pays africains deviennent progressivement dépendants des investissements chinois, sans réel bénéfice à long terme[8]. Les projets d’infrastructure servent principalement les intérêts de Pékin : sécuriser des routes commerciales, faciliter l’extraction des ressources et étendre son influence géopolitique, tout en maintenant ces États dans une situation de subordination économique subtile mais efficace.
Une exploitation des ressources souvent critiquée
Si les investissements chinois en Afrique sont présentés comme un moyen de soutenir le développement du continent, leur impact soulève des inquiétudes croissantes. Des pratiques d’extraction peu scrupuleuses et une gestion négligente des ressources naturelles sont fréquemment signalées. Des rapports soulignent que certaines entreprises chinoises ne respectent pas toujours les normes environnementales ou sociales[9] en vigueur dans les pays africains[10].
Ces pratiques incluent, entre autres, des conditions de travail précaires, un faible respect des droits des travailleurs et des dégâts environnementaux importants, notamment dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo[11].
Les accords commerciaux entre la Chine et certains pays africains sont souvent accusés de favoriser les intérêts chinois au détriment des bénéfices pour les populations locales. Les autorités africaines, en quête de financement pour leurs projets d’infrastructure, signent parfois des contrats qui ne garantissent pas une gestion équitable des ressources.
Dans certains cas, ces accords sont même perçus comme des formes de « pillage légal » des ressources naturelles de l’Afrique, sans que les pays producteurs en tirent des bénéfices durables[12]. L’exploitation des ressources se fait souvent dans des conditions où la part revenant aux populations locales est marginale, et où les retombées économiques pour les pays hôtes sont limitées.
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[1] https://www.voaafrique.com/a/le-ministre-des-affaires-%C3%A9trang%C3%A8res-chinois-en-tourn%C3%A9e-africaine/7925797.html
[2] https://www.theafricareport.com/373013/china-africa-what-to-expect-from-wang-yis-four-nation-tour/
[3] https://senego.com/visite-en-afrique-wang-yi-recu-par-le-president-tchadien-au-tchad_1791015.html
[4] https://www.jeuneafrique.com/1646147/economie-entreprises/nouvelle-tournee-africaine-pour-wang-yi-le-chef-de-la-diplomatie-chinoise/
[5] https://lanouvelletribune.info/2025/01/afrique-une-entreprise-chinoise-va-investire-dans-le-lithium-dans-un-pays-des-2026/
[6] https://www.alwihdainfo.com/Chine-Tchad-ensemble-sur-la-voie-d-une-modernisation-unique_a137809.html
[7] https://www.reuters.com/business/autos-transportation/china-development-bank-releases-255-mln-nigeria-rail-project-2025-01-08/
[8] https://www.voanews.com/a/critical-minerals-waning-western-influence-a-focus-of-chinese-fm-s-african-tour-analysts-say/7927642.html
[9] https://www.agenceecofin.com/docutheque/0609-111461-un-rapport-evalue-le-niveau-des-criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-des-projets-chinois-en-afrique
[10] https://www.cetri.be/La-Chine-en-Afrique-avantages-ou
[11] https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/
[12] https://www.lexpress.fr/monde/afrique/sommet-chine-afrique-comment-pekin-veut-etendre-son-influence-sur-le-continent-564OFRDGFBE4PH4ECPPBGYNYLM/