
Nous avons décidé de publier in extenso la tribune signée par Thierry Monémbo, un acteur de la société civile guinéenne. Les accusations contenues dans ce texte, qui sont d’une extrême gravité, ne reflètent pas l’opinion du Courrier Panafricain, qui ne saurait être tenu pour responsable. Toutefois, nous les rendons publics pour l’information de nos lecteurs et, surtout, pour contribuer au débat. À l’heure où nous mettons sous presse, nous n’avons pas réussi à joindre Jérémie Robert pour une réaction.
Guinée : la faute du conseiller Afrique de Macron
Aujourd’hui, la Guinée a un véritable problème : et c’est la France. Ou, si l’on préfère, les dirigeants français. Plus précisément, Jérémie Robert, le conseiller Afrique d’Emmanuel Macron.
Au moment où le pays est confronté à la plus inquiétante crise politique, sociale, sociétale de son histoire d’après les indépendances, alors que Mamadi Doumbouya, le sanguinaire de Conakry, ne fait pas que piétiner les Guinéens ou sacrifier la démocratie guinéenne, mais fait aussi un sérieux pied de nez à la communauté internationale en ne respectant aucun de ses propres engagements, l’un des plus proches collaborateurs du chef de l’État français lui apporte un soutien indéfectible, inconditionnel. Mais comme dans toutes les liaisons mafieuses, son soutien au chef de la junte est intéressé, monnayé.
« Fraude fiscale aggravée »
Autant dire que la mansuétude de Jérémie Robert à l’endroit de l’autocrate guinéen a une explication sonnante et trébuchante : il a introduit certains de ses amis affairistes auprès de Mamadi Doumbouya afin de leur octroyé des permis d’exploitation minière. On évoque les noms de Etienne Giros et d’Édouard Louis-Dreyfus, tous les deux intéressés par l’exploitation d’or et de bauxites guinéens, et tous les deux présentés par le conseiller Afrique de l’Élysée à son protégé.
Par ailleurs, j’apprends d’une source généralement bien informée que Jérémie Robert aurait tenté de bloquer un signalement auprès du Parquet national financier visant Lauriane Darboux, l’épouse de Doumbouya. Cette gendarme française, désormais au centre de toutes les affaires louches de la Guinée, aurait dissimulé aux services fiscaux de son pays un compte bancaire ouvert en son nom et détenu par elle dans une banque de Singapour, lequel compte logerait des sommes astronomiques en dollars. Il s’agit ni plus ni moins d’une fraude fiscale aggravée, doublée de blanchiment d’argent sale et de recel de détournement de fonds publics.
Intense lobbying en faveur de Doumbouya
Mais tout cela laisse le conseiller de Macron de marbre. Pis, son tropisme guinéen au profit de Mamadi Doumbouya l’a poussé à ne ménager aucun effort pour nuire à Alpha Condé, à la demande du sanguinaire de Conakry, qui présente certains chefs d’État comme des gens qui sont contre lui et qui soutiennent l’ancien président. Jérémie Robert se fait le porte-parole zélé de Doumbouya auprès de Macron, alors qu’il ne dispose d’aucune preuve, hormis les élucubrations d’un homme aux abois, terré dans son palais, qui a peur de son propre ombre.
Mieux, il n’a échappé à personne que contrairement à d’autres pays occidentaux tels que l’Allemagne ou les États-Unis, qui ont exprimé des réserves sur les méthodes expéditives de Mamadi Doumbouya, l’État français s’est toujours gardé de réagir aux scandaleuses disparitions d’acteurs de la société civile et à la persécution dont sont victimes les leaders politiques de l’opposition.
Poussant le vice à son paroxysme, Jérémie Robert a mené un intense lobbying à l’issue duquel l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a annoncé la réintégration du régime putschiste de la Guinée, le 24 septembre, trois ans après sa suspension liée au coup d’État du 21 septembre 2021. À l’évidence, les dérives imputées à l’ancien légionnaire français et ses hommes n’ont pas empêchée l’OIF de leur délivré un brevet de respectabilité.
Lutte contre les narco-trafiquants
Normal, me diriez-vous. La France, chantre autoproclamé de la démocratie et des droits de l’homme a une préférence atavique pour les soudards et les autocrates, quand elle n’est pas attirée par la personnalité trouble des criminels de tout poil, qui ont en commun la particularité de lui faire allégeance.
Tout le contraire du prédécesseur de Mamadi Doumbouya à la tête de la Guinée, dont le seul crime était « d’être souverainiste et panafricain, d’exiger le respect de la souveraineté des pays africains, et d’avoir eu l’audace d’inciter ses homologues à couper le cordon ombilical » avec l’ex-puissance coloniale. Son unique tort « est d’avoir voulu développer la Guinée », contre certains intérêts obscurs.
En 2021, par exemple, Alpha Condé avait engagé une lutte ferme contre les narco-trafiquants. Il avait fait saisir le terrain attribué à un trafiquant de drogue notoire, qui n’est autre que le cousin de l’actuel homme fort de la junte au pouvoir. Il avait en outre ordonné une enquête qui devait conduire à la saisie des biens de ce dernier. Malheureusement pour l’ancien président, les narco-trafiquants avaient de puissants soutiens au sein de son propre régime, principalement au niveau de la haute hiérarchie militaire. Or, le président avait décidé de les arrêter tous, ce qui explique le putsch. La Guinée est ainsi devenue la capitale de la drogue en Afrique de l’Ouest.
Répressions aveugles et disparitions des opposants
Il est clair que si on continue de subir cette « loi de la junte », si l’on est toujours confronté à une répression féroce, si on assiste impuissant à un retour en force des méthodes brutales du passé, si ces militaires félons ne craignent pas de prendre en otage le peuple guinéen et que Mamadi Doumbouya n’a jamais tenu compte de la charte de la transition sur laquelle il a prêté serment, c’est justement parce qu’il est dans les bonnes grâces de ses parrains tapis à Paris, au premier rang desquels se trouve Jérémie Robert.
Il est pourtant facile de dresser le bilan de presque quatre ans qu’il a passé au pouvoir, et qui se résume à une longue liste de morts et de disparus. Une liste qui n’est décidément pas près de se refermer. Après Foniké Mengué et Billo Bah, Saadou Nimaga, ancien secrétaire général du ministère des Mines, disparu le 17 octobre et dont on est toujours sans nouvelles à ce jour. Après Saadou Nimaga, Habib Marouane Camara, le directeur du journal Le Révélateur, disparu le 3 décembre 2024 et dont nul n’a plus jamais entendu parler. Le leader de la société civile guinéenne, Abdoul Sacko, a été kidnappé, sauvagement torturé. Il n’a dû son salut que grâce à l’intervention ferme de l’ambassadeur des États-Unis et du représentant de l’Union européenne. Ainsi, on l’a retrouvé dans un piteux état, près d’une base militaire proche de Conakry.
On peut multiplier ces exemples à l’infini. Mais ces violations des droits de l’homme ne pèsent pas face aux intérêts affairistes du conseiller Afrique du président français.