Yvon Sana Bangui, l’architecte d’une BEAC moderne et résiliente

Un an à peine après avoir pris les rênes de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Yvon Sana Bangui a déjoué les prévisions les plus alarmistes à son sujet. Au moment où les États de la sous-région aspirent à une plus grande souveraineté économique, l’actuel gouverneur incarne un leadership discret mais déterminé. Sa vision, alliant rigueur monétaire et innovation, répond aux défis d’une région en quête de résilience. Malgré les critiques, souvent motivées par des rivalités, ses réalisations témoignent de son engagement au service du développement.

Nous avons rencontré un admirateur du nouveau gouverneur dans un aéroport d’une capitale ouest-africaine. C’est un économiste chevronné, dont le parcours international force le respect. Ancien collaborateur de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, il a choisi de mettre ses compétences au service d’une institution panafricaine. À plus de 60 ans, il aurait pu aspirer à la retraite, mais son employeur, la Banque africaine de développement (BAD), a préféré le conserver dans ses effectifs. Son accent, marqué par des années passées dans un environnement anglo-saxon, contraste avec la clarté et la précision de son français.

Visiblement désireux de s’exprimer, cet économiste d’origine congolaise, naturalisé américain, confie avec un enthousiasme non dissimulé son indignation face aux critiques visant Yvon Sana Bangui. « Certains cadres centrafricains, parfois par jalousie, orchestrent des campagnes de dénigrement contre le gouverneur, alors qu’ils convoitaient eux-mêmes le poste », déplore-t-il. Or, selon lui, l’actuel gouverneur incarne un leadership visionnaire, capable de relever les défis économiques de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

« Ce que ses détracteurs ignorent, c’est qu’il ne décide pas seul. Il coordonne un gouvernement de la banque et consulte ses services avant chaque décision. Ses choix, bien qu’il les assume pleinement, sont le fruit d’une réflexion collective, évaluée avec soin », précise-t-il. Entouré d’une équipe compétente, incluant le vice-gouverneur, le secrétaire général et les directeurs généraux, Yvon Sana Bangui allie écoute et fermeté, une approche saluée par Jean-Claude Kassi Brou, gouverneur de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui a loué l’excellente coopération entre les deux institutions d’émission du franc CFA.

Une vision pour la stabilité et le développement

Les faits donnent raison à notre interlocuteur. Dès son arrivée à la tête de la Banque centrale, Yvon Sana Bangui a fixé des priorités ambitieuses : consolider la stabilité monétaire, promouvoir l’inclusion financière et moderniser les infrastructures de paiement. Dans un contexte marqué par les répercussions de la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, la guerre commerciale des États-Unis et l’inflation, il a su mobiliser son équipe pour préserver les réserves de change et limiter la fuite des capitaux, un défi majeur pour les économies de la CEMAC, riches en ressources mais structurellement fragiles.

Son initiative la plus emblématique reste la contribution de 25 milliards de FCFA de la BEAC au fonds de développement communautaire, destiné à financer des projets intégrateurs dans les six pays membres (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad). Cette décision inédite illustre sa volonté de faire de la BEAC un levier d’intégration et de développement régional, au-delà de ses missions monétaires traditionnelles.

Mieux, les sessions ordinaires du Conseil d’administration de la BEAC ainsi que le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) tenues à Malabo, les 10 et 12 juillet 2025, ont marqué leur accord pour que la Banque centrale verse, au titre de sa part dans le capital appelé et libéré de la BDEAC, une somme additionnelle de FCFA 86 244 500 000, payable en cinq (5) tranches annuelles de FCFA 17 248 900 000, dont les deux premières tranches ont été libérés l’année dernière. Ainsi, la BEAC maintiendrait sa participation dans le capital de la BDEAC à 33,43 %, évaluée à 501,45 milliards de FCFA, faisant d’elle l’actionnaire majoritaire de l’institution de développement communautaire.

Par ailleurs, Yvon Sana Bangui a fait de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB/FT) une priorité. En collaboration avec la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), il a renforcé les mécanismes de contrôle des flux financiers afin de garantir leur conformité aux normes internationales. « Notre système financier doit être protégé des abus qui affaiblissent nos économies », a-t-il déclaré lors d’une réunion du Comité de politique monétaire en juin 2024.

Pour appuyer ces efforts, il mise sur l’innovation technologique. Lors de la Conférence internationale sur l’intelligence artificielle organisée par la BCEAO à Dakar, le 21 mai 2025, il a plaidé pour l’adoption de l’IA dans la supervision bancaire, soulignant son potentiel pour détecter les transactions suspectes et renforcer la lutte contre la criminalité financière.

Des réformes audacieuses pour une BEAC moderne

L’un des chantiers les plus audacieux du nouveau gouverneur concerne le rapatriement des recettes d’exportation des industries extractives. Les multinationales pétrolières et minières, souvent soutenues par des puissances étrangères, résistent encore aux réglementations de change de la BEAC, invoquant des considérations liées aux taux d’intérêt ou à leur statut juridique. Toutefois, Yvon Sana Bangui, déterminé à faire appliquer les directives communautaires, a déjà obtenu des avancées significatives, bien que les résultats finaux se fassent attendre.

Le gouverneur a également accéléré plusieurs chantiers structurels, comme l’agrément unique des établissements de crédit, en cours d’implémentation, le nouveau système de compensation et de paiements de masse, la gestion des comptes uniques des Trésors nationaux ainsi que la mise en œuvre de la stratégie régionale d’inclusion financière.

Un parcours ancré dans l’excellence

Nommé gouverneur en février 2024, Yvon Sana Bangui, premier Centrafricain à occuper ce poste, s’est rapidement imposé comme un acteur clé de la stabilité financière régionale. À 51 ans, ce mathématicien, également spécialiste en informatique et en télécommunication, gestionnaire et économiste formé au Maroc, au Cameroun et en France, conjugue rigueur technique et ambition stratégique.

En matière de gouvernance, dès sa prise de fonction dans un contexte de crise majeure au sommet de l’institution, le nouveau gouverneur a fait de la cohésion du gouvernement de la Banque un gage de réussite. Un séminaire gouvernemental a jeté les bases d’une gestion axée sur la collégialité, la performance et le respect mutuel.

Aujourd’hui, cette approche est effective sur tous les dossiers stratégiques. Le renforcement du contrôle interne, la création d’une Cellule conformité, la formation de tous les cadres dirigeants à l’éthique avec l’appui de la BAD, la réorganisation des services, la rédaction d’un plan stratégique 2026-2030, ou encore le recrutement transparent de 242 agents, illustrent la nouvelle dynamique insufflée par Yvon Sana Bangui.

Sur le plan des performances, après un résultat record de 303 milliards de FCFA en 2023, la Banque centrale a réalisé un bénéfice net de 353 milliards de FCFA en 2024. Cette performance a permis le versement de dividendes aux États membres à hauteur de 100 milliards de FCFA, un fait inédit. Dans cette lancée, une réforme vise à porter les fonds propres de la Banque à 2 200 milliards de FCFA d’ici 2030, une ambition soutenue par l’augmentation du capital de 132 à 353 milliards de FCFA en mars 2025.

Concernant la coopération régionale et internationale, le gouvernement de la Banque s’attèle à être à l’écoute des États et des populations, tout en réaffirmant l’indépendance de l’institution. Cet appui s’est manifesté début 2025 par la signature des assurances régionales auprès du FMI, facilitant les décaissements en faveur des pays de la CEMAC.

Quant à la mise en œuvre de ses missions statutaires, une récente revue du FMI souligne que le gouvernement de la Banque travaille efficacement à contenir l’inflation et à renforcer les réserves de change par une application intelligente de la réglementation. Le lancement de la nouvelle gamme de pièces, incluant une pièce innovante de 200 FCFA, répond aux besoins des agents économiques. La mise en circulation de 475 millions de pièces en avril 2025 n’est que la première phase d’un plan visant à faire passer la moyenne de 11 à 50 pièces par habitant dans la CEMAC à l’horizon 2030.

Enfin, sur le plan des infrastructures, plusieurs projets majeurs sont à mettre à l’actif du gouvernement de la Banque : un nouveau programme immobilier pour étendre le réseau de la Banque sur un territoire de 3 millions de km², la construction d’un institut technique, bancaire et financier en Afrique centrale (ITB-FAC) afin de renforcer le capital humain dans la région et le projet de mise en œuvre d’un Centre hospitalier de référence (CHR).

En un an, Yvon Sana Bangui a lancé des réformes audacieuses : nouvelle réglementation LCB/FT en collaboration avec le GABAC et le GAFI, mise en conformité des Caisses de Dépôts et Consignations, gestion des fonds en déshérence, maîtrise de l’exposition des banques au risque souverain, digitalisation des services et modernisation des systèmes de paiement, tout en menant des négociations ardues avec les industries extractives.

À l’heure où la CEMAC aspire à une véritable souveraineté économique, Yvon Sana Bangui incarne un leadership discret mais déterminé. Sa vision, mêlant rigueur monétaire et innovation, répond aux défis d’une région en quête de résilience. Malgré les critiques, ses réalisations témoignent de son engagement. Comme l’a si bien résumé l’économiste que nous avons rencontré : « Yvon Sana Bangui ne cherche pas la gloire, mais les résultats ». Pour la CEMAC, il représente une lueur d’espoir dans un monde en profonde mutation.

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