En dépit des vulnérabilités conjoncturelles liées à la marche du monde, ainsi que les contraintes en tout genre, le numéro un ivoirien ne s’est jamais départi de son obsession : assurer la stabilité du pays et le bien-être de ses compatriotes.
S’il y a deux choses que le président ivoirien a su faire avec brio, c’est remettre son pays sur les rails et réconcilier ses citoyens, tout en assumant ses choix stratégiques. Ce qui fait dire aux observateurs qu’on peut tout reprocher à Alassane Ouattara – et ses adversaires ne se privent pas de lui trouver des défauts – sauf son engagement pour la modernisation de la Côte d’Ivoire, grâce notamment à un programme ambitieux de grands travaux, sa foi dans les vertus du libéralisme économique et sa capacité à assumer ses positions, même les moins populaires. Il en est ainsi de ses bons rapports avec Paris, du peu d’estime dans laquelle il tient les régimes putschistes qui entourent son pays et de son intransigeance vis-à-vis des fauteurs de troubles, y compris dans son propre camp.
Alors que par les temps qui courent, il est mal vu en Afrique de s’afficher aux côtés de la France d’Emmanuel Macron, le chef de l’État ivoirien, droit dans ses bottes, continue de voir et de s’entretenir régulièrement avec son homologue français. Pour preuve, ce 22 mars 2024, il a encore été reçu à dîner à l’Élysée par ce dernier. Un dîner privé sans collaborateurs auquel avaient été conviées les épouses des deux chefs d’États, Dominique Ouattara et Brigitte Macron. Selon toute vraisemblance, la rencontre a été détendue et cordiale.
Amitiés et choix stratégiques assumés
Le président Alassane Ouattara assume, avec d’autant plus d’assurance cette amitié, qu’il vient de gagner son pari : fédérer l’ensemble des forces vives de la nation autour de sa personne et du projet de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) pour donner l’image d’un pays rassemblé et en paix. Fait rare dans cette Côte d’Ivoire où la mauvaise foi est un sport national, l’opposition a salué de manière unanime l’organisation de cette 23e édition du plus grand événement sportif africain par le chef de l’État ivoirien. Même Guillaume Soro, son fils prodige, exilé pour avoir tenté de déstabiliser les institutions ivoiriennes, n’a pas manqué d’adresser un satisfecit aux organisateurs de la compétition. C’est dire que la victoire des Éléphants (l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire) est avant tout une victoire politique pour le président Alassane Ouattara.
D’ailleurs, c’est ce que pensent ses concitoyens pour qui, même s’il ne s’est pas encore prononcé sur sa participation ou non à la prochaine présidentielle, la bonne organisation de la CAN et la victoire de l’équipe nationale valent un quatrième mandat à l’actuel président. D’autant que quelques jours après le sacre des footballeurs, porté par ce moment d’union nationale, et « conformément à son engagement d’œuvrer résolument à la consolidation de la paix dans le pays », Alassane Ouattara a accordé une grâce présidentielle à plusieurs proches de Guillaume Soro ainsi qu’à des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, qui étaient emprisonnés dans le cadre des poursuites liées à la crise post-électorale de 2010-2011.
Le chef de l’exécutif ivoirien, qui avance à son rythme, peut se targuer en toute légitimité d’avoir fait le job. Brillamment, diront certains. Car l’économie de la Côte d’Ivoire, la première de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) pour son produit intérieur brut (PIB) par habitant, bénéficie de « perspectives robustes » et les indicateurs sociaux sont en constante progression. Avec un PIB de 70 milliards de dollars (près de 65 milliards d’euros) en 2022 selon la Banque mondiale, le pays confirme son statut de locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest francophone. Pour ajouter à l’embellie, les économistes ont observé dans le pays une hausse des investissements de 6 % sur un an, passés de 945 milliards de F CFA en 2022 à 1 000,15 milliards de F CFA en 2023. La Côte d’Ivoire doit atteindre une croissance de 6,5 % pour l’année budgétaire 2023-2024 après 7,2 % en 2022-2023 selon les chiffres communiqués par le Fonds Monétaire International (FMI).
Un pays qui vit au rythme des chantiers
Devenu premier producteur mondial de noix brutes en 2021, Abidjan a confirmé sa position en 2023 avec plus de 1,2 million de tonnes devant l’Inde (700 000 tonnes), le Cambodge (650 000 tonnes), le Nigeria (400 000 tonnes), la Guinée-Bissau et le Vietnam (300 000 tonnes chacun), si l’on en croit les données officielles. Cette forte hausse de la production – passée de 400 000 à 1,2 million de tonnes entre 2011 et 2023 – s’est accompagnée d’incitations à l’installation d’usines de transformation dont une trentaine était déjà en activité fin 2023, quand une dizaine d’autres devrait voir le jour en 2024.
Par ailleurs, le président Alassane Ouattara s’est engagé à faire de l’industrie extractive le deuxième pilier de l’économie ivoirienne derrière l’agriculture. Jusque-là modeste productrice d’or noir, avec 45 000 barils par jour, la Côte d’Ivoire s’apprête à multiplier sa production par trois à l’horizon 2026. Aux manettes du champ Baleine, entré en production en août 2023, le consortium Eni-Petroci vise une production optimale de 150 000 barils de pétrole par jour et de 200 Mpc/j de gaz naturel associé lors de la troisième phase de développement de ce gisement. À l’origine de la découverte du gisement Baleine, en 2021, Eni a mis la main, début mars 2024, sur une nouvelle manne pétrolière, cette fois au sein du bloc Cl-205, situé à 45 kilomètres au large des côtes ivoiriennes. Baptisé Calao, le nouveau gisement regorge de 1 à 1,5 milliard de barils de pétrole environ, selon les estimations initiales de la major italienne et de son partenaire ivoirien, Petroci. Le pays souhaite désormais intégrer l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Une ambition affichée lors de la rencontre mi-mars dernier entre le « Monsieur pétrole » du président Alassane Ouattara, Mamadou Sangafowa Coulibaly, et le Groupement professionnel de l’industrie du pétrole (GPP).
Inutile de rappeler que depuis 2011, la Côte d’Ivoire vit à l’heure des chantiers dont le cahier des charges va bien au-delà du simple lifting, puisque les résultats se veulent durables et structurants, si possible exemplaires sur le plan sanitaire et sécuritaire. Qu’il s’agisse du Pont Henri Konan Bédié (HKB) inauguré le 16 décembre 2014 ou du dernier qui porte le patronyme de son illustre maître d’œuvre, mis en service le 12 août 2023. Qu’il s’agisse aussi du train urbain de la capitale économique ivoirienne qui sera enfin opérationnel en 2025. Les premières rames, au nombre de 26, seront visibles à Abidjan au courant de cette année, selon le chronogramme communiqué par le gouvernement. Ce projet, conçu dans les années 1970 par la Direction et contrôle des grands travaux, l’ancêtre du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD), a été sorti des cartons en 2011 par le président Alassane Ouattara dès son arrivée au pouvoir. Il vise à faciliter le transport entre Abidjan et sa banlieue.
Tous ceux qui ont visité la Côte d’Ivoire pendant la CAN ne tarissent pas d’éloges sur les infrastructures ultramodernes construites dans le pays. Ils sont les premiers à reconnaître que le pays fait figure de modèle macroéconomique de la région et de modèle de sobriété en matière de dépassement des normes d’une gouvernance publique vertueuse. Certes, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri de vulnérabilités conjoncturelles, et les besoins en investissement dans les infrastructures de base restent conséquents. Mais la détermination du président Ouattara de ne pas céder aux menaces que constituent les risques d’instabilité chez ses voisins immédiats n’a jamais été aussi vive qu’aujourd’hui. C’est l’illustration de son obsession d’assurer la paix sociale et de donner du pain à ses compatriotes, qui le lui rende bien. Sinon, son nom n’aurait pas été autant scandé dans tous les stades pendant la CAN et même après la victoire des Éléphants.
A.P