Malgré quelques avancées significatives observées, le projet de la future Constitution gabonaise semble avoir a été taillé sur mesure pour satisfaire les caprices d’un seul homme.
La mouture définitive du projet de nouvelle Constitution gabonaise était attendue avec fébrilité, certaines dispositions que comporte le texte étaient scrutées avec une grande attention à Paris comme à Brazzaville. Remis fin août dernier au président de la transition Brice Clotaire Olingui Nguema, les 173 articles qui ont été rendus publics, ce 21 octobre 2024, proposent de doter le pays d’un régime présidentiel où la limite des mandats est renforcée et les conditions d’éligibilité légèrement assouplies.
Les critères d’éligibilité allégés
Certes, certaines dispositions répondent aux préoccupations formulées par la majorité des acteurs politiques du pays, à savoir le renforcement des principes et valeurs démocratiques, notamment la limitation du nombre de mandats du futur chef de l’État qui doit être intangible – ce que prévoit l’article 169, exclu théoriquement de toute révision. Concrètement, selon les nouvelles dispositions, le « président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs, quelles que soient les éventuelles révisions de la Constitution ».
Certes aussi, les ministres qui ont examiné en dernier ressort le texte final, proposé au référendum le 16 novembre prochain, ont été sensibles aux arguments sur les critères d’éligibilité, qui suscitaient de vives polémiques ainsi que l’inquiétude de nombreuses chancelleries occidentales. Désormais, le nouvel article, légèrement amendé, dispose que pour être candidat à l’élection présidentielle au Gabon, il faut être né d’un seul parent gabonais – lui-même ayant un parent gabonais. Alors que dans la version précédente, il était exigé que les deux parents soient gabonais. Idem pour l’époux d’un candidat, qui doit lui aussi avoir qu’un seul parent né gabonais.
Néanmoins, cet article 43 comporte une restriction majeure renvoyant à l’histoire du pays : « Le conjoint et les descendants d’un président de la République ne peuvent se porter candidats à sa succession ». On le voit, si cette disposition avait été en vigueur en 2009, l’ancien président Ali Bongo Ondimban’aurait pas pu succéder à son père Omar Bongo Ondimba.
Tentation du pouvoir personnel
Mais l’inscription dans le texte définitif d’une « fête de la Libération » complétant la fête nationale du 17-Août est l’illustration de la tentation du pouvoir personnel de Brice Clotaire Olingui Nguema. Au-delà de l’introduction d’un régime hyper-présidentiel dans lequel le chef d’État, unique détenteur du pouvoir exécutif et peut dissoudre l’Assemblée nationale dénuée de tout pouvoir de contrôle, est assisté de deux vice-présidents, il est difficile d’imaginer l’actuel président de la transition remettre le pouvoir aux civiles à l’issue de la prochaine présidentielle. Tout semble indiquer qu’il sera candidat à la prochaine présidentielle.
Voilà donc un homme qui piaffe d’envie d’abandonner son treillis de militaire au profit du respectable costume trois pièces de président démocratiquement élu, et qui est incapable de se conformer aux règles du jeu démocratique. Car, rien n’est moins sûr qu’un autre l’État que lui accepterait de célébrer le 30 août comme une pseudo-date de libération nationale. Toutefois, en l’inscrivant dans la future Constitution, le président de la transition s’obstine non seulement à honorer une date qui marque une rupture de l’ordre légal, mais laisse clairement supposer qu’il sera le prochain vainqueur du scrutin présidentiel marquant la fin de la transition. Il n’y a rien de plus maladroit.
C’est aussi un signe révélateur de l’inconséquence et de la légèrement des acteurs politiques gabonais, habitués à l’obséquiosité, au « larbinisme », rompus aux triviales manœuvres politiciennes, prêts à tout pour plaire au maitre du moment. Ces derniers sont décidés d’aller au-devant des désirs de Brice Clotaire Olingui Nguema, quitte à en faire un dictateur, parce qu’ils sont persuadés que leur salut ne peut se trouver ailleurs qu’autour de la mangeoire. En définitif, le changement promis par le chef des putschistes gabonais ne saurait s’accommoder d’un personnel politique qui n’a que faire de l’intérêt général. Car ces mêmes individus, n’auront pas le moindre scrupule à renier l’actuel homme fort de Libreville, qu’ils auront servi avec servilité.
LCL