En RDC, un changement d’exécutif n’est pas envisageable à l’issue du mandat de Félix Tshisekedi

À l’approche de la moitié du second et très théorique dernier mandat du président Félix Tshisekedi, la question d’un renouvellement ou non de l’exécutif se pose de plus en plus avec une certaine acuité. Or, dans ce pays marqué par des décennies d’instabilité politique, des conflits armés persistants et une économie en pleine relance, on ne saurait envisager un changement abrupt à la tête de l’État sans risquer de compromettre les acquis récents. Au contraire, un tel virage apparaît comme prématuré et potentiellement préjudiciable à la stabilité nationale ainsi que sous-régionale. Moralité : pour nombre d’observateurs, toute alternance, même pacifique, comporte des ingrédients d’une prochaine déflagration.

Faut-il le rappeler ? Depuis son investiture à la magistrature suprême et sa réélection en décembre 2023 avec plus de 73 % des voix, le président Félix Tshisekedi a hérité d’un État aux fondations ébranlées par des années de mauvaise gouvernance de son prédécesseur, Joseph Kabila. En dépit de ces contraintes, le numéro un congolais a réaffirmé son engagement à mener des réformes structurelles visant à consolider l’État de droit, à relancer l’économie et à pacifier les régions gangrenées par l’insécurité.

Bien qu’encore imparfaits et confrontés à des résistances internes, ces efforts du président congolais ont posé les bases d’une trajectoire positive. Autrement dit, interrompre ce processus au terme de l’actuel mandat du chef de l’État risque de plonger le pays dans une incertitude accrue, particulièrement dans un environnement régional volatile dans lequel évolue la RDC.

Gage de cohérence dans la stratégie sécuritaire

Inutile de souligner que l’est du pays demeure le théâtre d’une insécurité chronique, laquelle constitue l’un des principaux obstacles à la consolidation de la stabilité nationale. Avec une escalade des hostilités impliquant les miliciens du M23, soutenus par le Rwanda, la situation s’est dramatiquement détériorée. Raison pour laquelle le président Félix Tshisekedi a pris plusieurs mesures pour renforcer la capacité des forces armées congolaises (FARDC), notamment à travers des partenariats internationaux et des réformes militaires visant à professionnaliser l’armée.

Ses efforts pour intégrer des milices locales dans un processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ont, malgré des lenteurs, permis de stabiliser certaines zones. C’est dire qu’un nouveau leadership, potentiellement issu d’une opposition divisée ou influencée par des intérêts étrangers, peut compromettre les avancées notables obtenues. Il faut dire que le maintien au pouvoir de Félix Tshisekedi apparaît ainsi comme un gage de cohérence dans la stratégie sécuritaire, essentielle pour contrer les menaces transfrontalières qui déstabilisent non seulement la RDC, mais l’ensemble de la sous-région.

Sur le plan économique, la RDC sort d’une période de vulnérabilité accentuée par la pandémie de COVID-19 et les chocs mondiaux. En 2024, la croissance du PIB a atteint 6,5 %, portée par une expansion de 12,8 % dans le secteur extractif, notamment le cuivre et le cobalt. Pour les prochaines années, les projections tablent sur une moyenne de 6 % de croissance réelle du PIB, grâce notamment à une diversification naissante de l’économie, placée par le président Tshisekedi au cœur de son agenda, avec des initiatives visant à réduire la dépendance du pays aux minerais, qui représentent plus de 90 % des exportations.

Stratégie de diversification économique

Parmi les réformes figure l’allocation de 10 % des revenus nationaux à l’agriculture. Une mesure emblématique visant à booster la production alimentaire et à créer des emplois dans un secteur sous-exploité. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de diversification, soutenue par la Banque mondiale à travers des financements pour les réformes économiques fondamentales, incluant l’ouverture des marchés et la gestion forestière.

Le programme des réformes, soutenu par le FMI, vise une croissance moyenne de 5,4 % de 2025 à 2030, en favorisant la diversification de l’économie et le développement du secteur privé. Les efforts réalisés ont amélioré le climat des investissements, comme l’attestent plusieurs rapports du Département d’État américain, qui notent des engagements renouvelés pour les réformes économiques.

En outre, le gouvernement a encouragé les investissements étrangers à travers la création en 2019 de la Cellule du climat des affaires (CCA), qui a contribué à l’amélioration de l’environnement économique. Ce qui a conduit à une hausse des investissements directs étrangers, particulièrement dans les énergies renouvelables et l’agro-industrie, contribuant à une relance postpandémie. Dans ce contexte de relance économique fragile, un changement à la tête de l’exécutif serait prématuré.

D’autant que les réformes structurelles exigent du temps pour porter leurs fruits. Mais une alternance à la tête de l’État peut entraîner des revirements politiques, comme des renégociations de contrats miniers ou une pause dans les programmes de diversification.

Cela dit, la continuité du régime Tshisekedi permettra de consolider les gains générés, en alignant les politiques sur les objectifs de développement durable, positionnant la RDC comme un hub énergétique régional, qui exporte ses minerais et son électricité mais aussi sa stabilité.

Bonne gouvernance et pragmatisme

Il faut noter que le Félix Tshisekedi a fait de la bonne gouvernance un pilier des réformes. Il a introduit une transparence accrue dans la gestion des ressources naturelles. Par exemple, dès 2019, la lutte contre la corruption est devenue l’une de ses priorités, engageant des poursuites judiciaires contre des figures influentes, y compris son propre directeur de cabinet. L’adoption des lois anticorruption et le renforcement des institutions comme l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) en sont une parfaite illustration. Ce sont-là des mesures qui s’alignent sur les engagements internationaux de la RDC en matière de bonne gouvernance.

Le chef de l’État congolais a également entrepris de renforcer les institutions démocratiques, essentielles pour une stabilité durable. Son administration a œuvré pour une décentralisation réelle et des réformes judiciaires pour consolider l’État de droit. Autrement formulé, dans le contexte actuel de la RDC, avec les défis sécuritaires à l’Est, la relance économique qui porte ses fruits et les réformes institutionnelles en cours, un changement d’exécutif à l’issue du mandat du président Tshisekedi serait préjudiciable.

Les mesures de bonne gouvernance du président, la diversification de l’économie, la lutte contre la corruption et le renforcement de la culture démocratique constituent un socle fragile mais prometteur. Donc, le maintien au pouvoir de Félix Tshisekedi relève du pragmatisme, puisque c’est un gage de stabilité nationale, indispensable pour que le pays assume pleinement son rôle de leader dans la sous-région.

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